« Je suis souvent étonné que des hommes qui se vantent de professer la religion chrétienne, c’est-à-dire l’amour, la joie, la paix, la maîtrise de soi-même et la bonne foi envers tous, rivalisent d’iniquité et exercent quotidiennement la haine la plus violente les uns contre les autres, de sorte qu’on reconnaît la foi de chacun par cette haine et cette iniquité plutôt que par les autres sentiments. Les choses en sont maintenant venues au point que l’on ne peut reconnaître si quelqu’un est chrétien, turc, juif ou païen, si ce n’est par l’aspect extérieur du corps et par le vêtement, et en sachant quelle Eglise il fréquente, à quelle opinion il se range, dans les mains de quel maître il jure. Pour le reste, ils mènent tous une vie semblable. » Spinoza, Préface au Tractatus Théologico-politicus.
Remplaçons « religion chrétienne » par antifascisme et anti racisme, « aspect extérieur du corps et du vêtement » par nature du tatouage ou du piercing et type d’uniforme habituellement porté (roller, rappeur, raver, etc.), « quelle Eglise il fréquente » par quel tabloïd il lit (Libération, Les Inrocks, Nova magazine) ou par quelle musique il écoute (Manu chao, Zebda, Noir désir) et je pense que nous tiendrons là une assez bonne description des formes contemporaines du Problème de Spinoza.
Jean claude Michéa, Orwell éducateur, 2003.