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De l’absence de fair-play à la triche institutionnalisée

Publié le 20 novembre 2009 par Hmoreigne

 Identité nationale quand tu nous tiens. La devise de la république aurait-elle glissé de “Liberté-Egalité-Fraternité” vers le “Pas vu, Pas pris” évoqué ce matin sur France Inter par Thomas Legrand ? Il y a belle lurette que le fair-play (pourtant affiché par la Fifa) a disparu des enceintes du sport professionnel et notamment des stades de football. Peu importe les moyens, seuls comptent désormais le résultat et les valises de billets qui l’entourent. Une vieille tentation. En 394, l’empereur romain Théodose Ier constatant la dérive morale des athlètes de plus en plus enclins à la triche pour s’assurer les retombées du statut de vainqueur, abolissait les Jeux olympiques.

À l’occasion du sommet européen extraordinaire qui a eu lieu jeudi soir à Bruxelles, le Premier ministre irlandais Brian Cowen a fait appel au fair-play. “Je pense que le fair-play est un élément fondamental du jeu et que la plainte officielle déposée par la Fédération irlandaise de football sera soutenue ” par le gouvernement irlandais.

Fait de jeu ou tricherie, la main litigieuse interpelle. François Hollande estime qu’il s’agit d’un “incident grave sur le plan de l’éthique sportive” qui ne doit toutefois pas déboucher sur un “débat national”. A droite de l’échiquier politique, Jean-Marie Le Pen juge que “légalement la France a gagné, mais sportivement elle a perdu” quand Philippe de Villiers déclare “Cette victoire est volée. Raymond Domenech devrait exprimer des regrets publics“. Philosophe, François Bayrou conclut : “Dans un monde idéal, il faudrait rejouer le match. Mais le monde n’est pas encore idéal”.

De fait, le débat a lieu dans une période ou la notion de probité connaît un grand bond en arrière. Dans le classement de l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International notre pays recule une nouvelle fois pour s’échouer au 24e rang mondial.

La philosophie dominante du “pas vu, pas pris” qui prévaut pour la protestation de l’équipe de France de football est largement partagée par l’actuel chef de l’Etat. Pour diminuer le risque “d’être pris par la patrouille”, Nicolas Sarkozy s’est lancé dans une diminution sensible du nombre d’arbitres sur le champ des affaires publiques.

Suppression des juges d’instruction sans contrepartie en termes d’indépendance du parquet, extension abusive du secret défense destiné à rendre impossible toute enquête sur les commissions versées à l’occasion des grands marchés, projet de réforme des Cours des Comptes visant à transformer le contrôle a posteriori des dépenses en simple mission d’évaluation et d’audit … autant de signaux dépourvus de toute ambiguïté.

La lutte contre la corruption , le trafic d’influence, les marchés publics truqués, le copinage et les conflits d’intérêt ne sont pas une priorité pour la classe politique en général et Nicolas Sarkozy en particulier. Un signal plus que subliminal du genreEnrichissez-vous mais ne vous faites pas prendre“.

Le pourrissement du poisson se limite rarement à la tête. Ce lent glissement vers une république mi-bananière mi-mafieuse n’est rendu possible que par une érosion lente mais constante de nos valeurs. Le débat autour de la main litigieuse atteste de cette pente inquiétante.

Le retour aux valeurs implique de renouer avec le siècle des Lumières et de s’approprier la devise de ses philosophes:  “Honneur et Probité”. Tout un programme. Vaste programme.


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