Vous découvrirez le second la semaine prochaine dans une interview encore jamais publiée. Je vous y présenterai Dany Leclerre, 7° dan, haute figure de l'aïkido belge.
--------------------------
Michel Hamon, pratique l'aïkido depuis plus de 45 ans. C'est un des quelques acteurs clés de la mise en place et du
développement de l'aïkido en France. En 2006, il me faisait le plaisir de revenir sur son propre parcours ainsi que sur l'historique de l'aïkido français. Un témoignage passionnant et
instructif.
À quelle époque avez-vous commencé la pratique de l’aïkido ? Quel est votre parcours ?
Michel Hamon : J’ai commencé l’aïkido
en 1963, tout à fait par hasard. Je dirais même plus par curiosité que par intérêt porté à cet art martial, très peu connu à cette époque. Je pratiquais le Judo qui, lui, était déjà bien connu et
implanté sur notre pays. Je disais que j’avais découvert l’aïkido par curiosité car, fréquentant les salles de sports que la Banque de France mettait à notre disposition, je fus attiré par des
cris peu ordinaires qui me firent pousser la porte du dojo. Je vis tout de suite que cela ne ressemblait pas au Judo… mais à quoi ? Je me renseignai alors près de celui qui me paraissait
être le responsable en titre, qui me dit que cet art était de l’aïkido… Ce nom m’était complètement inconnu.
Et qui avez-vous rencontré en poussant la porte ?
M. H. : Monsieur
Guy Lorenzi. Il m’expliqua ce qu’était l’aïkido :
« Canaliser l’énergie du partenaire et la retourner contre lui-même, être en accord avec le partenaire, unifier
le corps et l’esprit, etc. ». Je m’inscrivis à la section Arts Martiaux de la Banque de France simplement pour
voir ce que c’était que l’aïkido. À cette époque, la section aïkido de la Banque de France était ce qu’est Vincennes aujourd’hui, c’est-à-dire le passage obligé de tous les pratiquants venant de
province ou de pays étrangers, Japonais ou Européens. Comme tous les pratiquants, j’ai passé les échelons du 6e
kyu à la ceinture noire 1er
dan, ce qui n’était pas une fin en soi car il fallait continuer la pratique sans cesse pour un jour espérer comprendre
l’essence de l’aïkido.
Quand avez-vous commencé à enseigner ?
M. H. : Mon professeur, toujours le
même, me lança dans l’enseignement en 1967. Je suis devenu professeur malgré moi à Villeneuve le Roi
(94), mon premier club d’enseignant. Dans la même année, je suis allé enseigner dans un autre club à
Yerres (91), dans lequel je suis resté 10 ans. En 1976 j'ai
été invité par Monsieur Arnaud, président de l’importante section de Judo à Sainte Geneviève des Bois
(91), pour reprendre l’enseignement de l’aïkido qui avait été abandonné quelques années auparavant. Depuis cette date,
près de 35 années, j’enseigne dans ce club, qui est devenu depuis plus de 10 ans une section complètement autonome. J’ai également ouvert en 1991 la section de Draveil (91) et j’y ai enseigné. Bien entendu je continuais à
m’entraîner régulièrement et je participais à tous les stages d'aïkido à Paris et aussi en province. Cet art nouveau me prenait, et une sorte de passion s’emparait de moi ; j’avais quelque
chose qui me guidait, d’autant plus que j’ai eu la chance de côtoyer Maître Nocquet qui fut pour moi une révélation, l’homme qui avait été très près du Maître Fondateur de l’aïkido, O Senseï Morihei Ueshiba. Il me semble qu’un déclic se fit en moi, je
me destinai donc à l’aïkido.
C’est donc André Nocquet et Guy Lorenzi qui vous ont donné la vocation, excusez du peu. Que s’est-il passé ensuite ?
M. H. : Je dirais que c'est surtout
Guy Lorenzi qui a su me guider, me diriger : c’est grâce à lui que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. En 1969, j'ai passé le 2e dan avec succès. Cette année-là je préparais Jean-Luc Subileau, mon premier élève, au passage de 1er dan : cet
élève est aujourd’hui 6e dan, je suis fier de lui et de sa réussite dans cette discipline. Depuis, d’autres ont suivi et je crois pouvoir dire sans prétention, mais avec une fierté toute
légitime, que j’ai formé à ce jour plus de 100 ceintures noires du 1er au 6e dan. Certains sont devenus responsables de clubs ou délégués régionaux ; d’autres, comme moi, ont pris des
responsabilités de direction administrative, sans pour autant oublier le chemin du dojo.
Qu’est-ce qui vous a donné cette envie de participer autrement que par la technique au développement de l’aïkido en France ?
M. H : J'ai assisté à une réunion
régionale en 1972, du temps où l’aïkido se trouvait au sein de la FFJDA. De nombreux points avaient été débattus, notamment celui de l’entrée de l’ACFA (Association Culturelle Française d'aïkido)
avec Maître Tamura, et celui de la création
de l’UNA (Union Nationale de l’aïkido). On demandait également des volontaires pour l’aïkido au sein de chaque association de la FFJDA. J’appartenais au groupe Nocquet et je me suis porté
volontaire pour aider notre groupe ainsi que les deux autres à former une ossature solide pour l’avenir de notre discipline. Comme l’histoire le relate, des conflits entre les groupes naissaient
et des ruptures se firent au sein de l’UNA, ce qui retardait l’union de l’aïkido. Le temps passa et en 1973 j’obtins le 3e dan. Le groupe de Maître Nocquet était devenu indépendant et je fus nommé président de cette
fédération indépendante appelée FFAD (Fédération Française d'AïkiDo). Je fus très honoré et en même temps désorienté de prendre une telle charge et responsabilité, car cela était un poste
important : je ne savais pas si j’allais réussir à remplir la tâche qui m’était donnée.
Mais l’histoire du groupe de Maître Floquet ne s’est pas arrêtée là !
M. H. : Oui, en effet. Un an plus
tard le groupe CERA (Cercle d'Étude et de Recherche en aïkido et Kobudo), avec Maître Alain Floquet pour responsable technique et Claude Jalbert pour président s’associe, à la FFAD. Ce groupe pratiquant les armes du Kobudo, il fut décidé après une réunion que la FFAD était
dissoute au profit de la FFAK (Fédération Française d'aïkido et Kobudo). De ce fait, de nouvelles élections eurent lieu. Claude Jalbert fut élu président, moi vice-président et responsable du
groupe André Nocquet, et Hervé Villers responsable du groupe CERA. En 1978 je réussis l’examen du 4e dan
et je fus nommé conseiller technique du Groupe André Nocquet. Je devins aussi membre et vice-président de l’UEA (Union Européenne
d’aïkido), fédération qui avait été créée par Maître Nocquet en 1972. C’est en 1979/80 que l’aïkido recevait sa deuxième secousse : le départ de Maître Tamura de la FFJDA. Ce groupe forma sa
propre fédération du nom de FFLAB, qui devint par la suite la FFAB. Ainsi, une deuxième fédération fonctionnait en dehors de la FFJDA.
Vous avez été au cœur de l’histoire de l’aïkido français. On comprend mieux que vous ayez écrit un livre à ce sujet. Pouvez-vous nous raconter comment s’est créée la FFAAA ?
M. H. : Oui. En fait, lorsque FFLAB
s’est créée, il ne restait plus qu’un seul groupe au sein de la Fédération de Judo : le CNA avec Christian
Tissier, nouvellement arrivé du Japon. C’est alors que l’idée me vint d’inviter M. Abel, responsable du groupe CNA,
accompagné de C. Tissier et M. Clériot, pour venir assister à une soirée commémorative en l’honneur de O Senseï Ueshiba et orchestrée par Maître Nocquet. Cette soirée avait pour but de discuter
de la possible « Union » entre le CNA et la FFAK. J’en avais averti C. Jalbert et H. Villers, qui avaient trouvé mon idée judicieuse. Nos invités répondirent présents et c’est à partir de cette
soirée que fut bâtie et échafaudée la nouvelle fédération d’aïkido. Beaucoup de réunions se succédèrent (une par mois) jusqu’à ce que les deux parties soient d’accord pour créer la nouvelle
FFAAA, hors de la FFJDA. C’est donc tout naturellement que je devins membre de cette nouvelle fédération, où j’ai occupé de nombreux postes à responsabilités. En 1985, je fus honoré
du 5e dan. Les années qui suivirent furent
consacrées à mettre sur pied l’UFA (Union des Fédérations d'aïkido) pour préparer l’unification de l’aïkido tout entier dans une seule et même Fédération. Toute l’équipe composant la FFAAA s’y
emploie activement.
Comment s’est fait le choix de donner la place de directeur technique à Christian Tissier ? Et comment a t-il réagi ?
M. H. : Je pense très sincèrement
qu’il n'y avait pas photo. Christian revenait du Japon après y avoir séjourné près de 7 ans, ramenant avec lui un bagage technique approfondi, sa jeunesse, son charisme, sa gentillesse, sans
oublier sa grande technique. Il ne faut pas oublier qu’il a travaillé avec le Doshu de l’époque, Kisshomaru Ueshiba, avec Seigo Yamaguchi et bien d’autres senseï : c’était l’homme
providentiel. C’est à partir de là que l’aïkido fit une avancée exceptionnelle. Maître Nocquet m’avait dit avoir trouvé celui qui pouvait continuer la tâche qu’il s’était donnée : développer
l’aïkido et le faire aimer aux Français. Aujourd’hui tous les pratiquants reconnaissent les qualités techniques et pédagogiques de Christian. La réaction de Christian s’est faite normalement
puisque personne n’a contesté sa place de dirigeant. À mon avis, tout lui paraissait normal dans ce sens puisque tous les pratiquants reconnaissaient ses valeurs et qualités de grand aïkidoka
français et européen.
On m’a dit qu’à cette époque vous avez fait de nombreux séjours à l’étranger, notamment en Afrique. Qu’y faisiez-vous ?
M. H. : J’allais en Afrique
Équatoriale, au Gabon, au Congo, surtout pour y développer l’aïkido avec l’aide de ressortissants français installés là-bas, comme Claude Walla pour le Congo, et Émile Vansteland pour le Gabon,
lequel était aidé en cela par Fidèle Pambo, un technicien gabonais qui a fait ses études à Rennes tout en y pratiquant l’aïkido. Je m’y suis rendu sept fois et je peux dire que l’aïkido africain
est bien implanté et se porte bien. Je me suis aussi rendu en Hongrie à plusieurs reprises et j'ai aidé les aïkidokas de ce pays à prendre leur indépendance vis-à-vis de la fédération de Judo
hongroise. J’ai visité plusieurs pays européens occidentaux à plusieurs reprises. Dernièrement, au mois de mai 2007, je me suis rendu au Viet Nam pour y diriger un stage pendant 10 jours. Là
aussi j’ai été surpris par l’essor grandissant de l’aïkido au pays du Viet Vo Dao. Je devrais y retourner l’an prochain si tout va bien. Et puis bien sûr, en 1992 j’ai été élu président de la
ligue Île-de-France FFAAA, poste que j'occupe encore aujourd'hui.
Parlez-moi un peu de cette ligue que vous dirigez ?
M. H. : Cette ligue a vu le jour en
1983. Comme la FFAAA, elle comprend 8 départements : 75, 77, 78, 91, 92, 93, 94 et 95. Tous ces départements sont structurés autour de la région IdF. L'administration se compose d’un
secrétariat, dirigé par Josette Nickels, directrice administrative, et Catherine Gorrara, secrétaire. Toutes les deux gèrent la destinée de la ligue. Le comité directeur se compose de 9 membres,
6 pour l'aïkido et 3 pour l'Aïkibudo. Notre directeur technique régional, Bernard Palmier, est 7e dan D.E. et secondé par 3 autres techniciens également D.E. La ligue compte plus de 8000
licenciés toutes disciplines confondues, et je pense très sincèrement que nous atteindrons les 10000 licenciés dans les années à venir : cette région est la plus importante de la fédération.
Je m’arrêterai là, car nous devons dans un avenir proche faire un reportage sur cette ligue.
Diriger une telle ligue ne doit pas être facile tous les jours, j’imagine. Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
M. H. : C’est un travail très prenant
mais je suis aidé en cela par le secrétariat et mes camarades du bureau. Vous savez, les difficultés… qui n’en a pas ? Lorsque vous prenez des responsabilités, elles font parties du travail.
Sans difficultés, cela voudrait dire que la région serait un fleuve tranquille et sans vie. Nous les surmontons tous ensemble et cela nous paraît bien plus facile à gérer.
Le fait d’être à la tête de la ligue la plus importante de France doit aussi avoir des avantages et permettre de nombreuses réalisations. Parlez-nous un peu des projets de cette année.
M. H. : Je vous en parlerai lors
d’une prochaine interview. Pas tout à la fois… Il faut garder un peu de suspense.
Je crois savoir que vous n’étiez pas en France lorsque vous avez reçu votre 6e dan. Pouvez-nous raconter cette petite anecdote ? Comment cela s’est-il passé et où étiez-vous alors ?
M. H. : Je me trouvais au Japon à ce
moment-là. Cela se passait en 1996 – 12 ans déjà, comme le temps passe vite. Je fus très honoré de savoir, à plus de 12 heures d’avion de la France, que ma fédération, la FFAAA, me reconnaissait
comme tel. J’étais fier de ce grade et surtout de pouvoir encore servir ma fédération. Cela m’a fait quelque chose… d’autant plus que Christian Tissier recevait le 7e dan dans le même temps. Je
lui ai envoyé un télex du Japon pour le féliciter. Ce fut pour moi un grand jour.
Merci beaucoup d’avoir partagé avec nous autant de souvenirs et d’informations.