Magazine Culture
Beyrouth-Mont Liban / L'attente Beyrouth 2009
Deux expositions des photographes Christophe Caudroy et Pascal Bastien
dans le cadre du 6e festival Strasbourg-Méditerranée à Strasbourg
du 20 novembre au 20 décembre 2009 et du 21 novembre au 5 décembre 2009.
Beyrouth-Mont Liban - Christophe Caudroy
Les ruines font partie de l’identité visuelle du Liban : les immeubles du centre ville de Beyrouth transformés en dentelle par quinze années de violences, aujourd’hui rasés et remplacés par des complexes aussi propres qu’anonymes, les attentats, le quartier du Hezbollah bombardé en 2006…
Malgré une frénésie immobilière qui tend à uniformiser l’image du pays, il n’est pas rare de croiser des no man’s land portant encore les stigmates de combats terminés il y a plus de dix ans… Cela étonnera surtout l’occidental, habitué à une institutionnalisation de la mémoire. Ici, elle se rappelle au quotidien un peu partout, à travers ces immeubles pas réellement terminés, éventrés, à moitié détruits, jamais revendiqués ou réhabilités.
L’armée syrienne se retire du Liban en 2005, laissant à l’abandon ses positions et notamment beaucoup de constructions dans la région du Mont Liban. Ces bâtiments ont été kidnappés par la guerre, certains sont nés à cause d’elle, très peu ont joué leur rôle d’origine, hôtel, villa, appartement de vacances… tous ont vu passer les réfugiés, les milices, l’armée. Avec leurs nombreuses vies et identités, ils portent en eux les traces de l’histoire de ce pays.
L'attente Beyrouth 2009 : C’est ainsi que les hommes vivent - Pascal Bastien
Pascal Bastien a passé une vingtaine de jours à Beyrouth en mai 2009, peu de temps avant les élections législatives du 7 juin. Il y accompagnait sa compagne, scripte sur le tournage du film d’Olivier Assayas consacré au terroriste Carlos. Chaque jour, il partait, avec sa fille de deux ans, arpenter le bitume. Pour son premier voyage dans la région, il avait évidemment en tête l’histoire récente du pays des cèdres, une histoire faite de bruit et de fureur, d’affrontements fratricides, de guerres civiles, de relations complexes avec les états voisins. Avant d’atterrir dans la cité, ces images se bousculent en lui… d’autant que les élections qui s’annoncent pourraient être le prélude à de nouveaux déchirements.
Que ressent-on de ces tensions dans les photos rapportées ? Pas grand-chose, en somme. Seul un gamin armé d’une Kalachnikov en plastique ressemble à une métaphore de ces épisodes guerriers passés et (peut être) à venir. Pascal Bastien a simplement essayé de montrer le quotidien des habitants de Beyrouth dans cette période particulière. Sur ses images, on voit des enfants, des ados, des adultes, des vieux, des catholiques, des musulmans… La vie continue et c’est comme s’il la saisissait avec une grande tendresse, celle qu’il a pour sa fille qui l’accompagne dans ses errances. De la photographie à hauteur de poussette ? La définition est séduisante. En tout cas, elle vient témoigner que la vie est plus forte que tout. Le quotidien, s’il peut être usant et routinier, est aussi la meilleure des catharsis à l’angoisse. L’attente. L’incertitude. Oui. Mais aussi le triomphe des forces vitales. En juin la coalition déjà au pouvoir a été réélue. Malgré toutes les craintes, le Hezbollah n’a pas triomphé. Les gens continuent à se promener. À parler. À prendre des cafés. À s’embrasser. À rigoler. Les herbes repoussent sur les ruines. Même à Beyrouth. Et Pascal les photographie… (Hervé Lévy).