d'autres
humains (du moins je le présume)
ont regardé la vie par leurs carreaux
couler avec ses barques dans la brume.
D'autres que nous (flâneurs,
grammairiens
mûris au miel intime du poème,
philatélistes d'éternels riens)
ont fait leur lent voyage de
tortue
le ong des côtes maigres du connu,
sans épuiser leur feuille de laitue.
la traversée sans doute avait si
bien
mimé le temps, coulé avec es choses
du même rythme et imité le train
de cette vie — si pleine de
mesure! —
qu'elle coula sans bruit dans un portrait
pendu au mur — de Sage — à l'embouchure
du Songe. Nulle houle de ces mers
ne vint, de son écume, sous la lampe,
emplir leurs têtes vides d'univers
quand — de leur plume d'oie, bouleversée —
ils écrivirent sans pâté, d'un trait :
« d'autres que nous ont fait la
traversée...»
Benjamin Fondane, Le Mal des Fantômes,
précédé de Paysages, traduit du
roumain par Odile Serre, présentation de Patrice Beray, éditions
Paris-Méditerranée, L'Ether Vague-Patrice Thierry, 1996, p. 189.
Contribution de Tristan Hordé