Alex Grenier est un jeune guitariste qui a des influences jazz (John Scofield, Mike Stern, Gabor Szabo) et Blues (Albert King), mais reste ouvert aux défis de son temps : il forme en 2005 un duo avec DJ Sharklo un duo guitare-platines dont « Sharkee », le premier maxi, fait un buzz, puis sort « Free » en 2007 pendant qu'ils suivent la tournée d'Asa, enfin « I Like This », autoproduit en 2008. Jean Louis Loiseau (saxophone ténor) arrive en juillet 2008, et le trio est programmé aux Transmusicales de Rennes, et en janvier 2009, la section de cuivres s'étoffe Gweltaz Herve (saxophone baryton) et Victor Pennicaud (trompette) pour le nouvel album « Boomerang ».
Live Alex Grenier à "Angers 7"
Dès « This Way » , la guitare trace son chemin sur une batterie rock et des cuivres funkys et un bon vieux track hip hop à la Run DMC sur les platines, mais garde un style Bluesy 60/70ies, et DJ Sharklo laisse Victor Pennicaud placer un solo entre deux scratches. Sur « Blues Bob », Dj Sharklo trompette son scratch sur la section de cuivres Rythm'n'Blues, où s'immisce une guitare bullant comme un Chaméléon d'Herbie Hancock ou gaiement Bluesy comme un Lonnie Johnson qu'aurait mis les doigts dans la prise ou un T-Bone Walker du XXIème siècle avant un solo de trompette à la Donald Byrd période Jazz Soul Years.
(...) Ça paraît facile de faire tenir tout cela ensemble, mais ça ne l'est pas tant que ça. (...)
Quelques percussions clavé samplées plus tard, dans « Easy », les scratches sifflotent gaiement tels des sifflets de samba à nos oreilles sur un harmonica Bayou à la Jean-Jacques Milteau. Grenier construit une bonne progression rythmique, adapte son jeu Jazz à ces ambiances modernes ou festives sans en perdre l'authenticité, surfe sur cette rythmique avec son style Jazz Blues à la John Scofield. Un solo de trompette et un bon saxo à la Eddie Harris /Julien Lourau poussé jusqu'au cri volubile sur les Heylements des samples hip-hop finissent le tableau. Ça paraît facile de faire tenir tout cela ensemble, mais ça ne l'est pas tant que ça.
« Lest's Take » est plus électro avec son piano martelé House 80/90ies à la « Gipsy Woman (Homeless) » de Crystal Waters, mais la guitare prend la première place à la Ronny Jordan dans « Cool & Funky » sur la West Coast Hip Hop Californienne. Les cuivres ajoutent leur bonhomie à l'unisson dans la fiesta, éclatent et giclent autour des scratches et du piano avec une belle mise en place digne du Groove Gang de Lourau. DJ Sharklo est aussi capable de limiter ses effets à un simple tinkty-boum en broken beat pour souligner la clarté limpide d'un solo de trompette, puis de suivre l'éclat de son envol du piano martelé, comme Easy Mo Bee le dernier Miles Davis de « Doo Bop » avec la guitare riffant sur le final
(...) jammant avec Jimi Hendrix, forcé d'atterrir sur un volcan en éruption martien avec le Capitaine Larsen aux manettes (...)
Un Beat plus Blaxploitation, et nous entrons dans la « Deepdance », danse et transe profonde où la guitare sinueuse de Grenier se faufile dans la foule d'un cocktail groovy, puis part en diable sur les cuivres à la JBs façon psyché-groove Sly & The Family Stone ou New-Orleans Funk façon Meters et fait monter ses chorus jusqu'au final. Dans « Disco Track » , la guitare Bluesy est bien calée entre cuivres, Beats et scratches Ouêhlants de James Brown, jusqu'à ce qu'un orgue entre Jimmy Smith et James Brown ne les mette en orbite dub sur fond d'orage rythmique, et les cuivres finissent en riffs Ethio-Jazz. Plus Soul Jazz et Groove, « Beat Down » est une improvisation plus naturelle de la guitare à la George Benson avec le saxophone de Jean-Louis Loizeau à la Bill Evans (le saxo soprano de Miles, pas le pianiste), puis part en wah-wah en gardant la structure mélodique du thème rappelant « Jean Pierre » de Miles avec Mike Stern sur « We Want Miles » en 1981.
Alex Grenier with Dj Sharklo "Beat Down"
Ça scratche, se crash, râpe et dérape à nouveau dur côté platines sur « Explosion », avec une guitare en distorsion et les cuivres en fond sonore Space Jazz bouillonnant de toutes parts, jammant avec Jimi Hendrix, forcé d'atterrir sur un volcan en éruption martien avec le Capitaine Larsen aux manettes. Ça explose net à la fin sur un saxophone hurlant en sirènes. Enfin, le morceau éponyme « Boomerang » le renvoie entre scratches et trompette bouchée sur un bon breakbeat, commenté par une voix à la « Journey Into A Sound », et finit avec un bon solo de saxo bien groovy poussé jusqu'à la transe dans les basses suivi par un solo de trompette agile.
Bref, Alex Grenier et ses acolytes ont su, à partir d'éléments disparates qu'on aurait pu croire hétéroclites, voire irréconciliables, parvenir à un son de groupe, inventer une nouvelle fusion harmonieuse entre guitare Jazzy Bluesy, scratches efficaces sans être trop envahissantes et cuivres dignes des plus belles plages du Jazz Soul & Funky dans leurs improvisations, grâce à une écoute les uns des autres et à une mise en place où ils ne se marchent pas sur les pieds, qualités qui ont toujours été celles des vrais Jazzmen, pour nous offrir ce « Boomerang » varié et rafraîchissant qui ravira tant les amateurs d'Acid Jazz, de Jazz, de Hip Hop Jazzy ou d'Electro-Jazz amusant. De quoi écouter, rire et danser?