Embrumée, empathie et thé des monts nuageux

Par Vanessav
La maisonnée est plutôt envahie par des odeurs de tisanes de thym (pour la molécule de thymol bonne contre la toux que le loupiot ne peut pas prendre sous forme d’huile essentielle) ou de jus de pomme chaud (diminuant la fièvre).
Les esprits sont embrumés, les projets se tarissent même avant d’avoir pris leur envol. Mes écrits jeunesse n’intéressent que peu et ne verront le jour qu’avec des couleurs familiales (déjà une formidable opportunité et un binôme excitant). Les avancées professionnelles sont avortées par non-conciliation à un monde qui ne me plait pas.
Et puis l’empathie reprend beaucoup de place. Cet été, mon frère adoré et sa douce vivaient un deuil. De ceux qui ne vont pas de soi, de ceux qui laissent sur la touche, qui attaquent dans les plus profonds fondements. J’étais restée abasourdie, inutile, déficiente. J’ai été malhabile mais j’espère présente. En début de semaine, une autre personne si proche à mon cœur a eu une nouvelle des plus effrayantes. Dans son projet de don de vie, une atteinte dans sa chair, une oppression du corps médical, une supposition de culpabilité et surtout un choc dans ce qui devrait être merveilleux. Un choc qui attaque le plus profond de son être, de ses chemins de vie, de sa manière à être elle-même. J’en suis retournée. Mon soutien est défectueux, si biaisé par le quotidien, si fragile aussi. Est-ce à dire que j’aurais préféré vivre leurs obstacles ? Quelques fois j’y pense mais ce serait vraiment un affront à leur capacité à surmonter, à être en vie, à s’enthousiasmer encore et à avancer sur leur propre chemin. Il n’empêche que je me veux là, attentive, en compassion.
*source œuvre présentée à l’exposition « Fragile, terres d’empathie »
Et puis il y a les autres bifurcations de chemin. Les fondements d’un couple, d’une famille, à consolider. Les problèmes de santé, épée de Damoclès, que je ne peux pas oublier plus de quelques jours. Des envies de partages, aussi, littéraires et jeunesse bien-sûr.

Je n’avais qu’une seule envie, me recentrer dans le court laps de temps laissé par le loupiot qui tousse et essaye de s’endormir. Un thé ! Oui mais lequel ! J’ai choisi un Lung Shan Yun Wu. Le même que j’avais bu là. Quelle effroyable sensation cette impression de perdre des sensibilisations olfactives et aromatiques. Et quelle joie aussi de découvrir mieux ce type de thé. J’avais été un peu « lassée » par les thés des monts nuageux. Lassée par un certain écœurement de la liqueur, non pas qu’elle soit décevante, de mauvaise qualité, pas à mon goût mais bien ce soupçon de ne pas pouvoir bien délimiter toutes les perceptions. Même mes lectures ne m’apportaient aucun secours dans cette présence à l’acte de boire. J’ai pourtant rajouté à ma bibliothèque de théophile « Connaître et aimer le thé » de Jean-Marie MAULER et « Le guide de dégustation de l’amateur de thé » de François-Xavier DELMAS, Mathias MINET et Christine BARBASTE.
Cette fois-ci ce fut un réel plaisir comme lors de mes premières approches de ces thés. Un bonheur de retrouver cette odeur et cette liqueur presque poudrée. Mon odorat est en berne : je n’ai réussi qu’à sentir (et de manière tout à fait personnel voire aléatoire) le végétal, comme aussi des champignons de Paris et des pâquerettes. Le goût était très légèrement salé avec un brin d’astringence et d’amertume. J’ai adoré… encore.
Quel bonheur aussi de ressortir un zhong après ces infusions quotidiennes au filtre métallique. Quel bonheur de sentir avec ce nez de porcelaine, quelle suavité aussi dans la dégustation à la micro-tasse.