Le projet révolutionnaire de Yann Arthus-Bertrand

Par Fabien Trouche

Prototype construit dans l'Eure-et-Loir à l'initiative du photographe Yann Arthus-Bertrand et commercialisé bientôt en série, cette Bonne Maison économise 85 % d'énergie et se veut idéale.


 

A première vue, rien ne distingue la Bonne Maison de n'importe quel autre confortable pavillon de la région parisienne. Seuls des panneaux solaires sur le toit et un étrange petit totem planté dans le jardin trahissent son secret. « A l'origine de ce projet, Yann Arthus-Bertrand ne voulait ni d'une maison d'architecte ni d'une demeure à la José Bové, en laine de mouton, poils de chèvre et bottes de paille, raconte l'architecte Emmanuel Coste. L'objectif numéro un était de concevoir une maison à très faible empreinte écologique, consensuelle et accessible à tous. » 

Pour 82 % des Français, la maison individuelle représente aujourd'hui le rêve absolu. Problème, la France est tenue par ses promesses de réduire par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Or l'habitat génère 16 % de nos rejets nationaux de CO2 dans l'atmosphère. Du coup, les constructeurs de logements individuels commencent à se mettre au « vert », ce qui ne devrait pas déplaire aux ménages français ayant vu leur facture d'électricité doubler en vingt ans. 

« La gamme Bonne Maison sera commercialisée dès le printemps prochain ! Ce laboratoire grandeur nature pourrait devenir le standard de fabrication de demain », prédit Roland Germain, PDG du groupe Geoxia (Maison Phénix, Catherine Mamet ... ). Avec 9 600 pavillons vendus chaque année en France, le leader de l'habitat individuel essuie donc les platres. Objectif visé ? Anticiper une demande encore floue et des normes réglementaires toujours plus draconiennes. Avec au passage la perspective de prendre une belle longueur d'avance sur la plupart de ses concurrents. 

Le secret de cette maison «idéale» ? « Quand on additionne la technologie et le savoir de nos anciens, ça donne un pavillon qui économise 85 % d'énergie par rapport à une maison classique s'enthousiasme Yann Arthus-Bertrand. Avec ses formes rectangulaires sobres et compactes, la Bonne Maison revendique... une bonne température ! Et ce sans aucun système de chauffage ! « La recette est simple. Nous utilisons au mieux tout ce qui est gratuit et favorisons les apports d'énergies renouvelables. Les pièces à vivre de la maison ont ainsi été orientées plein sud afin de bénéficier au maximum du soleil. Celui-ci assure 60 % des besoins annuels en eau chaude sanitaire par le biais de panneaux solaires installés sur le toit », indique Emmanuel Coste. 

Partout l'éclairage naturel des pièces a été privilégié au travers de larges fenêtres équipées de triple vitrage. Mais la principale innovation tient ici au système d'isolation et de ventilation de l'habitat : l'air filtré entre dans la maison à une température constante de 12 °C après être passé sous terre par l'intermédiaire d'un puits canadien. L'aération est ensuite assurée par une ventilation thermodynamique double flux. Murs, sols, toiture... sont isolés par une enveloppe de plastique qui rend la maison parfaitement hermétique. Ainsi, la chaleur produite par l'activité humaine ou les appareils ménagers est récupérée. En clair, chaque habitant devient un miniradiateur. Et pour les frileux ou en cas d'hiver rigoureux, la présence d'un poêle à bois haute performance vient compléter le dispositif. Au final, un budget moyen de 13 euros de chauffage par mois pour une maison de 100 mètres carrés habitables vendue 126 000 euros (TTC)! « Le surcoût initial d'environ 20 % est récupéré par l'allègement des charges », plaide Roland Germain.



« Cette Bonne Maison donne l'exemple et consomme quatre fois moins d'électricité que les habitations conformes aux normes réglementaires de 2005, juge Hubert Despretz, expert de l'Agence pour la maîtrise et le développement de l'énergie. Et de rappeler que si la consommation de chauffage des logements en France a diminué d'un tiers en trente ans, celle d'électricité a doublé durant la même période. « Le progrès réel sur les technologies est souvent contrebalancé parle suréquipement d'appareils ménagers : les écrans d'ordinateur consomment de moins en moins, mais sont de plus en plus nombreux dans nos foyers. De même, l'ancien frigo est souvent relégué à la cave, où il continue de fonctionner et de beaucoup consommer » Ce qui n'est pas le cas du réfrigérateur de la Bonne Maison. Ce modèle à tiroirs est conçu pour que l'air froid reste au fond de chaque compartiment. 

« Bravo à ceux qui ont réussi à donner naissance à cette maison performante à un coût abordable. Mais attention ! Ce n'est pas parce qu'on vit dans un logement qui ne coûte pas cher dans son fonctionnement que l'on va pouvoir abuser du reste », met en garde Gwenola Doaré, créatrice du magazine Habitat naturel. « La priorité actuelle est de limiter les consommations d'énergie et d'eau de la maison. Cela implique un comportement écocitoyen de l'habitant qui veillera à ne pas laisser les lumières allumées pendant la journée ou l'eau du robinet couler pendant qu'il se lave les dents », poursuit-elle. Là encore, la Maison imaginée par Yann Arthur Bertrand et ses partenaires va dans le bon sens grâce à son récupérateur d'eau de pluie à usage extérieur, ses robinet limiteurs de débit et ses démousseurs économiseurs d'eau. Proscrite, la baignoire a été remplacée par une douche moins gourmande en eau et par ailleurs accessible aux personnes à mobilité réduite. L'électroménager enfin est uniquement composé d'appareils économes de catégorie A+. 

Aucun défaut dans cette cuirasse ? Si, selon un récent sondage, 67 % des Français se disent sensibles à la nécessité de protéger l'environnement, accepteront-ils toutefois sans rechigner de vivre dans des maisons «thermos » ? L'avenir le dira, mais, quoi qu'il en soit, le mouvement semble en marche. Selon Qualitel, dix constructeurs sont désormais aptes à proposer aujourd'hui en France des maisons confortables, économes et certifiées Haute Qualité environnementale. Nul doute que d'ici trois ans la plupart d'entre eux auront intégré cette attente du public, amplifiée par le Grenelle de l'environnement qui réunira professionnels, pouvoirs publics et défenseurs de l'environnement à la mi-octobre.