Depuis mardi, les murs de la galerie se sont séparés des fabuleux graphismes
photographiques aux noirs et blancs tranchés, incisifs, de Giacomelli. On nous
invite désormais à une promenade à travers différentes époques picturales.
Abondance de couleurs ! Les toges rubis du Calvaire du Christ de l’aile
Denon ricochent avec celui du pull noué autour de la taille d’un homme songeur
devant une toile de Cy Twombly, qui, a son tour, fait vibrer la robe vermillon
de Marie dans la Sainte Famille de Rubens… non loin de là, les carrés pleins ou
percés du Boogie Woogie de Mondrian rappelés par l’arc de cercle d’un
audioguide suspendu à la nuque d’un visiteur saisi dans sa contemplation,
incitent l’œil à poursuivre son parcours, sans répit, jusqu’au rouge « lie
de vin » des voiles du Vénus et Cupidon de Lorenzo Lotto. De même les
roses, issus des formes anguleuses des Demoiselles d’Avignon, de la robe de la
Christina (Christina’s world) d’Andrew Wyeth observée par une jeune fille au
vêtement du même ton, ou simplement de la carnation de tous ces crânes chauves,
cous pâles, oreilles charnues des spectateurs tournés vers autant de mondes, se
renvoient le regard du visiteur. Le Moulin de la Galette et son buste au
manteau fleuri provoquent la sensation dynamique que l’on ressent face à ce
nouvel accrochage traversé de nombreux vibrato : l’œil est happé,
sollicité ici, séduit là, invité à construire sa propre narration. Depuis
mardi, la galerie s’est aussi peuplée. Car devant chaque toile de maitre
identifiable un homme de dos ou de profil s’intercale entre nous et l’œuvre
photographiée. Robuste, chétif, chevelu ou dégarni, mais aussi orné, paré, par
exemple, d’improbables bretelles jaunes devenues lignes, de lanières ou de
rubans qui accompagnent des vêtements aux graphismes variés, ces corps sont
l’expression de la force agissante de l’art et de son influence en tant que
source nourricière d’inspiration. Tous semblent converger dans le même
sens : à savoir nous rappeler subtilement la pure et simple nécessité de
la peinture.