Compensation de la taxe professionnelle : info ou intox ?

Publié le 18 novembre 2009 par Hmoreigne

Plus fort que Samson, François Fillon aurait selon Libération dompté les maires. Chahuté mais pas humilié, le Premier ministre a traversé sans dommage la tempête de l’assemblée des Maires de France. Mais le vrai miracle, s’il doit s’accomplir n’est pas là. Ce serait d’arriver à convaincre que la suppression de la taxe professionnelle donnera lieu à une compensation intégrale. Ne demandez pas à l’UMP de faire dans la dentelle. La courroie de transmission de l’Elysée a un faible pour le matraquage et la langue de bois. Le gouvernement a lancé une task force, composée d’élus de la majorité, pour promouvoir la réforme territoriale. Une petite équipe de choc composée d’une quinzaine d’élus qui espèrent bien en contrepartie de leur engagement glaner quelques strapontins.

L’omniprésident a fait pscchit. ” Où est Sarko ? ” scandaient dubitatifs de nombreux maires. Tout le monde connaît la réponse mais s’étonne du manque soudain de courage d’un Nicolas Sarkozy qui ne nous avait pas habitué à cela. Tant pis. Quand le taulier n’est pas là, c’est le concierge de Matignon qui s’y colle. Et le bougre s’en est bien sorti suffisamment malin pour jouer profil bas, ravalant pour un temps les sarcasmes à l’égard de la gauche qu’il aime à distiller devant des assemblées moins hostiles. C’est donc sous les habits de technicien, de dépanneur d’astreinte, que François Fillon est venu détailler avec patience et professionnalisme le mode d’emploi des réformes voulues par Nicolas Sarkozy.

Reste le fond du débat. La réforme de la TP conduira-t-elle à une asphyxie et une perte d’autonomie des collectivités locales ? Invité de France Inter, Eric Ciotti, membre de la task force, député et Président du Conseil Général des Alpes Maritimes a juré la main sur le cœur qu’il y aura une compensation intégrale et qu’aucun transfert ne sera opéré vers les ménages. “Tout est compensé” n’a-t-il eu de cesse de rabacher. On aimerait le croire .

La taxe professionnelle qui constitue la principale ressource financière des collectivités locales représente une enveloppe de 22 milliards d’euros par an. Le gouvernement avance qu’elle sera compensée par une contribution supplémentaire assise sur la valeur ajoutée.

Les élus socialistes posent pourtant de bonnes questions.”Le véritable problème est que plus le temps passe, plus la compensation s’érode”. “Dans cinq ou six ans, on aura perdu la moitié de la compensation. La tentation risque d’être pour boucler son budget d’augmenter sur les ménages” estime Gérard Collomb. “Comment voulez-vous qu’avec un déficit qui est de 150 milliards pour une année, l’Etat honore ses engagements ?” complète Laurent Fabius.

La logique gouvernementale est difficile à suivre. A quoi sert la suppression d’un impôt si c’est pour le remplacer par deux autres ? Eric Woerth a en effet indiqué que la TP serait remplacée par deux impôts, l’un sur la valeur ajoutée et l’autre sur le foncier.

On ne va pas prendre chez les ménages ce qu’on enlèvera aux entreprises. On va le répartir autrement“, a assuré Patrick Devedjian sur LCI. Le procès d’intention est certes facile mais le projet gouvernemental manque de clarté et de simplicité.

Les doutes sont d’autant plus légitimes que selon l’hebdomadaire Marianne , en toute discrétion, Nicolas Sarkozy quand il était ministre des finances a mis en place une exonération qui a permis aux grands groupes et aux fonds LBO de vendre leurs filiales sans imposition sur les plus-values. 2O milliards de pertes de recettes pour l’Etat.

Qu’on le veuille ou non si ce ne sont pas les entreprises qui sont mises à contribution ce sont les ménages. Pas par la voie de l’impôt sur le revenu, pourtant le plus juste, puisque Nicolas Sarkozy veut stabiliser ou réduire ceux-ci mais, par une réduction de la voilure de l’Etat et un transfert de charges vers les collectivités locales contraintes de fait à augmenter leur fiscalité.

 Jean-Pierre Raffarin , qui joue sa carte personnelle dans une fronde des provinces contre un Paris aux airs de Versailles met en garde le gouvernement : “Aujourd’hui, le vote n’est pas acquis. Le gouvernement a fait un certain nombre de pas en avant ; il doit en faire encore. Nous sommes là pour le moment au milieu du guet ; nous attendons des gestes supplémentaires. Le vote, en ce qui me concerne aujourd’hui, pour la réforme de la taxe professionnelle, n’est pas acquis. Je vote oui à la suppression pour les entreprises, mais je n’ai pas encore donné mon accord pour la compensation pour les collectivités territoriales“.

Si Alain Juppé se félicite d’une évolution, il confiait ce matin sur RTL conserver quelques inquiétudes notamment au regard de l’absence de garanties de compensation suffisantes.

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