La fête, dans les sociétés traditionnelles, est toujours rattachée symboliquement à des éléments des mythes fondateurs. Elle marque des changements (décès, mariage, naissance, moissons, victoire, arrivée de la pluie, …). Elle apparaît comme le régulateur principal des tensions internes à ces sociétés de taille limitée.
Elle s’inscrit dans un temps sacré et une durée limitée, elle inverse provisoirement une bonne partie des valeurs du groupe: les activités quotidiennes s’arrêtent, on se moque des puissants, on s’enivre avec les substances locales variables selon les endroits, on invertit les rôles sociaux, on mange énormément, la plupart du temps des mets spéciaux accumulés et réservés à cet effet. C’est le temps de la musique, de la danse et des chants. Des joutes diverses miment des affrontements dans lesquels la violence est plus ou moins distanciée. C’est le temps de tous les excès, y compris sexuels. Le social différencié s’indifférencie.
Puis à l’heure et à la date prescrite tout s’arrête et les activités et comportements “normaux” se réinstallent, jusqu’à la fête suivante. Tout se passe comme si le groupe, hiérarchisé, dans une débauche d’énergies, entrait dans une agitation brownienne qui, si les liens sociaux étaient assez forts, brûlaient les tensions internes au corps social, intégraient les changements et laissaient une société apaisée.
On pourrait écrire des volumes sur les diverses formes, plus exubérantes les unes que les autres, qu’ont pris et que prennent encore les fêtes qui, dans nos sociétés modernes, ne remplissent plus guère leur fonction cathartrique que dans les cocons familiaux. Si j’étais disciple d’E. Besson (que le Grand Architecte m’en préserve), je dirais que la fête re-trempe l’identité du groupe, le reforge et lui permet d’intégrer ses changements.
La fête s’est “profanée” et ses composantes ont envahi l’espace et le temps ordinaires. Elle s’est fait vacances et sortie en boîte, repas gastronomique et matches de foot-ball, concert, CD audio et télévision,… Dans les démocraties, le vote, “Un homme, une voix” assure la “mise à plat” qui accompagnait la fête traditionnelle.
E. Leroy-Ladurie, dans “Le carnaval de Romans” (Gallimard, 1986) montre sa dégénérescence, à la fois parce que la taille du groupe la rendait inopérante et parce que les tensions internes avaient dépassé ses capacités. C’est un peu ce à quoi on assiste actuellement avec les débordements et violences divers qui accompagnent trop souvent ses manifestations dès qu’elles deviennent “de masse”.
La hausse moderne de ces violences, prevenant majoritairement des jeunes, ceux qui cherchent leur place dans le corps social, traduit un manque de régulation et est parallèle à la montée des inégalités.
Mais je me promet une fiesta mémorable si, en 2012, les élections renversaient la caricature qui nous gouverne.
- La castration annoncée (non chimique) des magistrats financiers. Veilleur de jour.
- “Voitures, la révolution des usages”. Le Monde. “Aujourd’hui la voiture se résume à un bien patrimonial, au travers duquel s’exprime une partie du statut social. Demain, elle devra se partager : d’objet elle deviendra service”. Voir aussi l’édito: “Covoiturage” et “La cohabitation des moyens de transport bouleverse la ville”. Le Monde.
- Efficacité ou inefficacité de la vidéosuveillance ? BugBrother.
- Violences en France. Le Monde.