ROME, Mardi 17 novembre 2009 (ZENIT.org) - Cette nouvelle rubrique, sous la direction de don Mauro Gagliardi, consulteur du Bureau des célébrations liturgiques du souverain pontife, intitulée « Esprit de la Liturgie », se propose de présenter, d'une manière accessible et synthétique, plusieurs thèmes de théologie liturgique. Ce premier article expose aux lecteurs le thème général de la nouvelle « année » qui s'étalera jusqu'à la fin du mois de juin 2010.
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Comme chacun sait, le Saint-Père Benoît XVI a proclamé l'Année sacerdotale (juin 2009 - juin 2010), à
l'occasion du 150e anniversaire du dies natalis du saint Curé d'Ars. L'intention est de « ...contribuer à promouvoir un engagement de renouveau intérieur de tous les prêtres
afin de rendre plus incisif et plus vigoureux leur témoignage évangélique dans le monde d'aujourd'hui » [1]. Saint Jean-Marie Vianney n'a pas seulement incarné de son vivant un modèle suprême
de prêtre, il a toujours annoncé avec clarté et avec force l'incomparable dignité du sacerdoce et le rôle central du ministère ordonné au sein de l'Eglise. Puisant dans ses enseignements, le
Saint-Père a reproposé ces paroles du Saint :
« "Oh ! que le prêtre est quelque chose de grand ! S'il se comprenait, il mourrait... Dieu lui obéit : Il
dit deux mots et Notre Seigneur descend du ciel à sa voix et se renferme dans une petite hostie !..." ».
Et encore :
« Si nous n'avions pas le sacrement de l'ordre, nous n'aurions pas Notre Seigneur. Qui est-ce qui l'a mis là, dans le tabernacle ? Le prêtre. Qui est-ce qui a reçu notre âme à son entrée dans la vie ? Le prêtre. Qui la nourrit pour lui donner la force de faire son pèlerinage ? Le prêtre. Qui la préparera à paraître devant Dieu, en lavant cette âme pour la dernière fois dans le sang de Jésus-Christ ? Le prêtre, toujours le prêtre... Et si cette âme vient à mourir à cause du péché, qui la ressuscitera, qui lui rendra le calme et la paix ? Encore le prêtre... Après Dieu, le prêtre c'est tout. Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel » [2].
Comme on le voit, saint Jean-Marie identifie la grandeur du prêtre avec une référence privilégiée au
pouvoir qu'il exerce dans les sacrements au nom et en la Personne du Christ (in persona Christi). Benoît XVI a mis en évidence ce fait, reprenant encore d'autres paroles du Curé
d'Ars, qui se réfèrent tout particulièrement au ministère de la célébration de la Sainte Eucharistie. Le pape écrit que le Saint
« était convaincu que toute la ferveur de la vie d'un prêtre dépendait de la messe : La cause du relâchement du prêtre, c'est qu'on ne fait pas attention à la messe ! Hélas ! Mon Dieu ! qu'un prêtre est à plaindre quand il fait cela comme une chose ordinaire !" » [3].
L'Année sacerdotale propose à notre réflexion la figure du prêtre et, de manière spéciale, sa dignité de ministre ordonné qui célèbre les sacrements, au bénéfice de toute l'Eglise, en la personne du Christ, Grand Prêtre Eternel [4].
En cette Année Sacerdotale, célébrée entre 2009 et 2010, d'autres anniversaires méritent d'être évoqués, car ils sont intimement liés au caractère eucharistique de la dignité sacerdotale. En 1969, le pape Paul VI promulguait, avec la Constitution apostolique Missale Romanum, le nouveau missel romain établi après le Concile Vatican II. En cette année 2009, nous célébrons donc le 40e anniversaire de cette promulgation. L'année prochaine 2010, nous fêterons deux autres anniversaires, eux aussi directement liés à la célébration de l'Eucharistie. Le premier coïncide avec le 40e anniversaire (1970-2010) de la promulgation de l'editio typica définitive (la première) de l'Institutio Generalis Missalis Romani. Le second coïncide avec le 440e anniversaire de la promulgation du missel actuellement dénommé Vetus Ordo ou Usus antiquior, promulgué par saint Pie V avec la Constitution apostolique Quo primum, du 14 juillet 1570. Cette Constitution est évoquée, en même temps que le missel de saint Pie V, dès les premiers mots de ladite Constitution apostolique Missale Romanum de Paul VI, le nouveau missel romain de Paul VI [5].
Les deux missels, unis également dans la célébration de leurs anniversaires respectifs, sont deux formes
de l'unique lex orandi (« loi de la prière ») de l'Eglise de rite latin. Le Saint-Père Benoît XVI s'est exprimé à ce sujet, enseignant, à propos du missel de Paul VI,
que
« Le missel romain promulgué par saint Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme l'expression extraordinaire de la même lex orandi de l'Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la lex orandi de l'Église n'induisent aucune division de la lex credendi (« loi de la foi ») de l'Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l'unique rite romain. Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la messe suivant l'édition type du missel romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l'Église » [6].
La possibilité d'une coexistence sereine et harmonieuse des deux formes de l'unique rite romain a été enfin indirectement affirmée par la présence simultanée des Ordines Missae (bienheureux Jean XXIII et Paul VI) au sein du Compendium Eucharisticum, qui vient d'être publié par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements [7].
La coïncidence de ces différents anniversaires a dicté le thème que la rubrique Esprit de la
Liturgie se propose d'approfondir cette année : celui du « prêtre dans la célébration eucharistique ». A travers de courts articles publiés à raison d'un article tous les 15 jours,
rédigés par des théologiens, liturgistes et canonistes compétents, nous chercherons à présenter d'une manière claire et accessible le rôle et la fonction du prêtre dans les différentes
parties de la messe, en gardant présents à l'esprit les deux missels dont nous célébrons les anniversaires. J'augure que ces articles pourront aider les prêtres à saisir l'opportunité de
réflexion et de conversion qui leur est offerte par l'Année sacerdotale, et les inciter à une exigence et une attention de plus en plus grandes dans l'ars celebrandi. Espérons en
outre que les contributions qui seront peu à peu publiées pourront aider aussi les autres lecteurs - religieux, religieuses, séminaristes, fidèles laïcs - à reconsidérer avec une attention
accrue, et à vénérer avec un profond respect religieux, la grandeur du mystère eucharistique et la dignité du ministère sacerdotal, ainsi qu'à redécouvrir son rôle central dans la vie et dans
la mission de l'Eglise.
Notes
[1] Benoît XVI, Lettre pour l'Année sacerdotale, 16.06.2009
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] « c'est avant tout lors de la synaxe (culte eucharistique) que les prêtres exercent leur fonction (munus) sacrée ; là, tenant la place du Christ [In persona Christi J et proclamant son mystère, ils joignent les prières des fidèles au sacrifice de leur Chef et, dans le sacrifice de la messe, ils rendent présent à nouveau et appliquent jusqu'à la venue du Sauveur l'unique sacrifice du Nouveau Testament, celui du Christ, qui s'est offert une fois pour toutes au Père comme victime immaculée » : Concile Vatican II, Lumen gentium, n. 28 : AAS 57 (1965), p. 34. Cf.également Presbyterorum Ordinis, nn. 2 ; 12 ; 13.
[5] Cf. Paul VI, Missale Romanum, 03.04.1969 : AAS 61 (1969), p. 217.
[6] Benoît XVI, Summorum Pontificum, 07.07.2007, art. 1.
[7] Cf. Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Compendium Eucharisticum, LEV, Cité du Vatican 2009. La mise au point de ce texte a été confiée directement à la Congrégation par le Saint-Père, qui en avait fait l'annonce dans l'Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum Caritatis, 22.02.2007, n. 93.