La clé de voute

Publié le 27 octobre 2007 par Frednetick

 Si je vous dit qu’elle est la clé de voute de l’économie de marché et qu’elle conditionne selon toute vraisemblance la façon dont chacun de nous perçoit son environnement, les institutions et la vie sociale, de quoi croyez vous que je parle?

 Sans elle, pas de relation sociale entière, pas de collaboration professionnelle éclairée, pas de pratique politique sereine. Et sans elle pas de remord à gruger le système que l’on estime par ailleurs pourri et corrompu.

Se précipiter sur la suite (mais sans quitter cette page !)

 Cette carte clé de la vie, celle qui ouvre les portes d’une société aux moeurs apaisés, c’est la confiance. C’est du moins ce que tendent à prouver Yann Algan et Pierre Cahuc dans une étude récemment parue sous le titre de LA SOCIÉTÉ DE DÉFIANCE ou comment le modèle social français s’autodétruit.

 Bien que le terme de confiance soit quelque peu galvaudé il avait prit toute sa place dans la campagne présidentielle, Ségolène Royal en faisant, sous les quolibets de la droite et la douce indifférence socialiste, le moteur essentiel de la relance de la croissance. On pouvait rire sans craindre d’être trop démenti en rajoutant une couche sur la conneritude de la candidate, il est plus difficile de le faire devant les conclusions des enseignants du CEPREMAP
.

 Au programme de cette étude, une analyse comparative des niveaux de confiance dans les institutions, la justice et plus généralement les autres, basée sur la une enquête de l’international social survey program (1999). Mauvaise nouvelle pour nous, oui, la France est bien particulière mais dans le mauvais sens. La situation hexagonale se traduit en effet par une défiance exacerbée vis à vis de la justice (54% se déclarent défiants), du parlement (25%), des syndicats(25%), des autres (80% sont méfiants) et de la réussite (plus de 55% pensent qu’il faut être corrompu pour résussir).

 Et alors me direz vous? Et bien cela conditionne beaucoup de choses. Du sentiment qu’il n’est pas si craignos de gruger les allocations sociales à celui qu’il n’est pas forcément nécessaire de rendre un portefeuille dans lequel figure pourtant tous les renseignements pour le rendre à son propriétaire…

 Mais l’apport essentiel de l’étude est de lier ce niveau élevé de défiance et la structure du fonctionement social de notre pays, marqué par un centralisme fort et un corporatisme fervent.

  Le choix d’un salaire minimum imposé par l’état, la cohabitation persistante de nombreux régimes de retraites particuliers seraient ainsi fortement déterminés par un sentiment collant aux baskets qu’il ne faut pas faire confiance aux autres. C’est à la fois simple et si facile que l’on pourrait rester dubitatif. L’étude est pourtant vraiment convaincante, notamment lorsqu’il s’agit de dépasser la situation nationale pour constater que les étrangers d’origine française intègrent eux aussi cette confiance moindre.

 Il existerait en quelque sorte une réminicence génético-sociale à la défiance, puissamment inscrite dans le patrimoine social que nous embarquons avec nous. Reste alors, dans une démarche scientifique, à déterminer la cause de cette méfiance vis à vis d’autrui.

 La conclusion de nos experts? La guerre, et plus précisement l’occupation. La période durant laquelle la France s’est coupé en deux, certains choisissant le camp de l’occupant et matérialisant cette adhésion dans un environnement institutionnel aujourd’hui honni. Le régime de Vichy, symbole du renoncement et de la collaboration semble ainsi être le point de départ de notre vision pessimiste de la vie en collecvtivité.

 Est-ce finalement si étonnant? Des voisins ont dénoncé leurs connaissance, l’Etat est devenu objet d’oppression, s’est rendu coupable de rafles et de participation à la solution finale.. Inscrite au coeur de l’histoire française, cette période noire, de laquelle nous conservons un goût très modéré des “collabos “, marque durablement nos rapports sociaux, fait de décision unilatérale, de gruge, de conflits et de méfiance…

 Et si le grand projet de société c’était celui là? Plutôt que de copier le modèle écoomique danois ou suédois, ne serait-il pas plus pertinent d’en étudier le fondement? Une société qui croit en l’autre, sans niaiserie, mais avec conviction. Un fonctionnement qui fait la part belle aux relations et à la solidarité.

 Oui la flex-sécurité est possible, mais elle n’est pas applicable en l’état en France pour la bonne raison que personne ne croira vraiment au système, tentant de jouer les passagers clandestins comme bien souvent dans la vie de tous les jours.

 Comme quoi, l’économie aussi est une histoire sociale.

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