Passées les cérémonies de Berlin et du 11 novembre, Nicolas Sarkozy poursuit ses rencontres internationales. Elles sont nombreuses. Lundi, il rencontrait le président irakien. Mais derrière quoi court-il ? Derrière qui devrait-on dire. Sur la scène internationale, Nicolas Sarkozy ne s'est pas résolu à laisser place à son encombrant et charismatique homologue américain. Un récent dossier de Forbes, le magazine des puissants du monde, le plaçait ... 56ème sur 67 dans les personnalités les plus influentes de la planète.
Artisan de la paix
Le président français s'imagine "artisan de la paix". Vexé ou surpris par le Nobel précoce attribué à Barack Obama, Sarkozy tente de doubler son homologue américain.
Haaretz , un quotidien israélien a révélé dimanche 15 novembre que Nicolas Sarkozy aurait proposé au Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, une conférence internationale de paix pour le Proche-Orient à Paris, avec les présidents palestinien Mahmoud Abbas, syrien Bachar al-Assad, égyptien Hosni Moubarak, libanais Michel Sleimane, et le roi de Jordanie Abdallah II. En Israël, certains encouragent Palestiniens et Israéliens à prendre exemple sur la réconciliation, timide mais réelle, entre Turcs et Arméniens. Effectivement, cette dernière situation fournit un bel exemple, mais aussi quelques leçons : la Turquie, pressée de convaincre l'Europe et d'adhérer à l'UE, savait que tôt ou tard elle devrait passer par cette étape de paix.
Pour Sarkozy, le chemin sera rude. On est parfois surpris de l'amateurisme du Monarque français. Prenez le déroulé des rencontres de la semaine passée : le président français se félicite, dès qu'il en a l'occasion, des bonnes relations qu'il a renouées avec le dictateur syrien ("libération" de Clotilde Reiss, stabilisation du Liban, etc). La semaine dernier, il s'est pris une veste. Bachar El Assad, en visite vendredi à Paris chez son "ami", a publiquement déclaré qu'il était hors de question pour la Syrie de discuter directement avec Israël. Pourquoi tant de haine ?
Deux jours plus tôt, Nicolas Sarkozy recevait le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Barack Obama avait refusé de lui serrer publiquement la pince quelques jours auparavant. En France, point de chichi. Sarkozy le reçoit "normalement". Il explique même qu'il a profité de la présence de Netanyahu pour téléphoner au président de l'autorité palestinienne et lui demander de "poursuivre son action au service des Palestiniens et de la paix". Le communiqué élyséen qui suit cette rencontre explique que les deux chefs d'Etat ont parlé de l'Iran, "des moyens de relancer le processus de paix au Proche Orient", de "l'excellente relation bilatérale entre la France et Israël et le développement de la coopération entre les deux pays." Pas un mot sur la poursuite de la colonisation dans les territoires occupés. Circulez, y a rien à voir...
Comment voulez vous que Bachar El Assad soit rayonnant deux jours plus tard en visite à Paris ?
Déçu, l'Etat palestinien s'est tourné vers l'ONU: lundi, il a demandé l'appui du Conseil de Sécurité pour proclamer unilatéralement son Etat.
Avec l'Irak, pourquoi faire ?
Lundi, Nicolas Sarkozy recevait en grande pompe le président irakien. Les mauvaises langues diront que le Monarque élyséen tente de faire oublier son atlantisme pro-guerre, du temps où le président américain s'appelait George W. Bush. Qui a oublié les déclarations surréalistes d'un ministre de l'Intérieur, en déplacement à New York en septembre 2006, qui s'était permis de s'excuser pour "l'arrogance française" dont Jacques Chirac aurait fait preuve en s'opposant à la guerre en Irak. Elu président, Nicolas Sarkozy n'a pas eu le temps d'engager la France aux côtés des Américains en Irak. Une campagne électorale battait son plein outre-Atlantique. Et un an plus tard, Barack Obama remportait le scrutin, avec un programme de désengagement d'une coûteuse et inutile guerre en Irak. Sarkozy s'est rabattu sur l'OTAN et l'Afghanistan. La réintégration de la France au sein du commandement militaire de l'OTAN coûte 650 millions d'euros par an aux contribuables français. Une bagatelle quand on veut briller sur la scène internationale.
En Irak, Sarkozy n'a plus qu'un objectif : faire du commerce. Sarkozy reçoit donc le président Talabani pour une "visite d'Etat", le plus prestigieux des formats protocolaires réservés aux chefs d'Etat étrangers. Quatre jours à Paris, drapeaux irakiens sur les Champs Elysées. L'un des derniers chefs d'Etat à avoir bénéficié d'un tel accueil fut ... le Colonel Kadhafi en décembre 2007. Cette fois-ci, Sarkozy veut jouer grand, et damer le pion à Barack Obama. En 4 jours, la Sarkofrance doit apparaître comme le nouvel meilleur ami du nouvel Irak. On attend une demi-douzaine "d'initiatives concrètes". Lundi, en fin de journée, Nicolas Sarkozy s'est exclamé, heureux: "C'est avec confiance et optimisme que je regarde l'avenir. L'Irak est sur la bonne voie. Il retrouve sa place dans la communauté des nations. Le peuple irakien reprend la maîtrise de son destin. La France est heureuse et fière de pouvoir contribuer à cette renaissance". Il parvient même à glisser son mot fétiche du moment, "l'identité" : "L'Irak aujourd'hui se relève. La violence est en forte diminution même si la folie terroriste continue de frapper (...) mais les terroristes échoueront, a-t-il ajouté, nous avons confiance en l'avenir du nouvel Irak, démocratique, fédéral, respectueux des différences et des identités". Un accord a déjà été signé: il concerne la Défense. Un effet de communication puisque le contenu est tout sauf concret. L'ambassadeur de France en Irak a expliqué en effet qu'il jetait "les bases juridiques" en vue d'une plus grande coopération en matière de défense, "des actions ensemble dans le domaine militaire, dans le domaine de l'armement, dans le domaine de l'equipement". Le Monarque a ajouté que l'Irak pouvait compter sur les entreprises françaises pour "répondre a vos besoins en matière d'infrastructures ou d'hydrocarbures". Une petite centrale à vendre ? Pêle-mêle, Nicolas Sarkozy a aussi annoncé l'ouverture prochaine à Bagdad d'un "Centre français des affaires" et d'une "Maison française de l'agriculture."
Mardi, Sarkozy s'enfuit. Il part en Arabie Saoudite, pour "une visite d'amitié à caractère semi-privé". Que va-t-il donc faire là-bas, avec son nouvel Airbus à 20 000 euros l'heure de vol, alors que le président irakien vient 'arriver en France ? Sarkozy sera l'invité privé du roi Abdallah dans son ranch personnel près de Ryad. Sarkozy espère conclure un accord de coopération sur le nucléaire civil. Encore un. La diplomatie atomique du président français n'a pas de limite. Semer des centrales au Moyen Orient autour de l'Iran est une curieuse stratégie de sécurité... Mercredi, Sarkozy revient à Paris, après un détour par Doa, pour récupérer son épouse Carla. Cette dernière assistait à l'inauguration d'une fondation pour l'enfance par l'une des épouses du cheikh. ... "L'une des épouses du cheikh"...
En France, les gesticulations diplomatiques intéressent peu. Un récent sondage révèle que les Français restent pessimistes sur la situation économique du pays. On se rappelle une vieille campagne électorale américaine, qui opposait George Bush père à un jeune gouverneur de l'Arkansas. Bill Clinton avait gagné avec un slogan simple : "It's the economy, stupid !" Qui rappelera Nicolas Sarkozy aux dures réalités de son propre royaume ?