LA SOUTANE
Un bref aperçu historique me semble utile.
La soutane est, depuis fort longtemps, l'habit distinctif du prêtre, qu'il devait porter partout, même en dehors de l'église, du moins dans les pays où les lois et la coutume ne l'interdisent pas, comme dans les pays à prédominance protestante.
Et même actuellement, lorsque la télévision veut présenter un prêtre pour une publicité, une publicité pour les pâtes par exemple, etc., c’est presque toujours en soutane qu’il apparaît sur l’écran.
Les Statuts diocésains, sauf là où ils ont pu être changés, l’ont toujours déclarée obligatoire pour célébrer la Messe, même là où elle est remplacée en ville par le clergyman.
« Encore que l'habit ne donne pas la vertu monastique, dit le Concile de Trente, il faut néanmoins que les clercs portent toujours des vêtements convenant à l'Ordre qu'ils ont reçu, et que l'honneur et la pureté de leurs mœurs reluisent dans la décence extérieure de leurs habits. Mais quelques-uns sont si téméraires, et si oublieux du respect dû à la religion, de l'honneur clérical et de leur propre dignité, qu'ils ne craignent pas de porter publiquement des habits laïques, voulant participer à la fois aux choses divines et aux charnelles » (session XIV).
Venant de l'italien « sottana », dérivé lui-même de subtus, la soutane devait être portée sous les ornements sacrés. Elle est une transformation de l'habit long porté communément avant les invasions des barbares, abandonné plus tard par les gens du monde et devenu propre aux magistrats, aux médecins, aux professeurs et au clergé. Telle qu'elle est taillée aujourd'hui, elle remonte au XVIIIe siècle.
Saint Charles Borromée (+ 1584), voulant se conformer aux Conciles, ne permit que la soutane noire aux clercs de second ordre, à moins que la dignité dont ils étaient revêtus n'en demandât une autre. Peu à peu, la couleur noire pour la soutane fut universellement adoptée et rendue obligatoire dans l'Église Latine. La plupart des Ordres religieux, cependant, conservèrent la couleur de leur habit, le blanc (Cisterciens, Dominicains, etc.) et le brun (Carmes, Franciscains, Capucins, etc.). Les Evêques, depuis le Concile de Trente, pour mieux se conformer à l'esprit de pénitence et de deuil si convenable au clergé, et voulant toutefois se distinguer des clercs inférieurs, prirent pour eux le violet.
A Rome, il était possible de reconnaître l'origine, et donc le séminaire, de chaque séminariste par la couleur de la soutane ou de la ceinture, qui variait suivant les différentes nationalités. C’est toujours le cas, pour les cérémonies, pour les prêtres et les séminaristes qui étudient dans les Collèges de Propaganda Fide.
Voici le texte liturgique officiel de la bénédiction de la soutane, à l’occasion de la prise de soutane – c’est la prière que mes confrères et moi-même avons entendue avec une grande joie, lors de notre prise de soutane :
« Seigneur Jésus, qui avez daigné vous revêtir de notre corps mortel, nous vous supplions de répandre sur nous l'abondance de vos inépuisables libéralités et de bénir ce vêtement nouveau dont nos pères ont fait choix, en place de l'habit séculier, pour symboliser l'innocence ou l'humilité. Faites que ces jeunes gens, qui veulent vous servir, en revêtant ce vêtement se revêtent en même temps de vous, et qu'au milieu des autres hommes, par la sainteté de leur vie, il apparaisse à tous qu'ils vous sont consacrés, à vous, ô Dieu, qui vivez et régnez dans les siècles sans fin ».
Combien ont entendu cette prière, avec joie et dévotion, et se sont empressés ensuite, hélas, de s’en défaire, en oubliant que ce vêtement voulait dire « revêtir le Christ » et manifester à tous leur consécration à Dieu !
Existe-t-il une bénédiction pour le
clergyman ? pas à ma connaissance ! Et donc…
Ou pour la toute petite Croix sur les habits civils (quand elle est portée, ou même si elle portée, bien cachée dans le revers de la veste !) ?
Quelle signification religieuse, sacerdotale, spirituelle, a alors le clergyman sous toutes ses couleurs, ou l’habit civil ?
On est bien loin en le revêtant, de penser que l’on revêt le Christ, que l’on est consacré au Christ, comme le disait la prière de la bénédiction de la soutane.
Et pourtant, déclarait Monsieur Olier (1), « La sainte soutane, est un signe extérieur qui manifeste l'état intérieur de l'âme…La couleur noire indique la première disposition qui doit être dans le clerc, qui est d'être mort à tout l'amour et à toute l'estime du siècle »,
Monsieur Olier déclarait encore à propos de la soutane : elle « couvre tout le corps, en témoignage que toute la chair est morte, et que le clerc qui la porte, porte en soi la mort de Jésus-Christ en tous ses membres. En effet, il faut que celui qui est élevé à ce Saint Etat montre en sa personne la Mort de Notre Seigneur et ses Victoires, et il faut que toutes ses œuvres les prêchent et les annoncent partout. Saint Paul dit de tous les chrétiens qu'ils doivent être environnés en tout leur corps de la mort de Jésus-Christ (2 Co 4, 10). Et c'est ce que figure la soutane qui couvre les clercs, qui environne tout leur corps, et qui ne laisse rien voir d'eux que sous un habit de mort. Comme ils sont tout à Jésus-Christ, et qu'ils se sont donnés à lui sans réserve dans la cléricature, non seulement ils doivent avoir crucifié leur chair en tous ses dérèglements, mais aussi en tous ses désirs ».
Les paroles de Monsieur Olier, Fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint Sulpice, qui savait de quoi il parlait, ne sont pas dépassées, même si les modes ont changé. Ne serait-il pas utile de reprendre ses paroles, de les méditer, pour permettre aux séminaristes, aux prêtres, de prendre ou de reprendre conscience du Sacerdoce auquel ils ont été appelés ?
Un seul souhait, un seul désir s’imposent :
AINSI-SOIT-IL !
QU’IL EN SOIT DE NOUVEAU AINSI !
Mgr J. Masson_______________
(1) Jean-Jacques Olier de Verneuil, dit Monsieur Olier (1608-1657). M. Olier a créé le premier
séminaire français, à la suite du concile de Trente, a fondé la compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Sa communauté a participé à l'essor des missions dans les campagnes de France, aux
développements des séminaires en France, notamment par la fondation de ceux de Nantes (1649), Viviers, Saint-Flour (1651), Le Puy (1652) et Clermont (1656). Ayant eu le privilège, en 1622, de
recevoir la bénédiction de saint François de Sales, il écrira : « Si je l'appelle parfois mon père, c'est que j'ai eu le bien de recevoir sa bénédiction, et d'avoir porté la sainte soutane
par ses saints avis et conseils ». C'est l'occasion de souligner la sottise destructrice de ceux qui ont contribué à détruire les séminaires au cours de ces quarante dernières années et la
sagesse inspirée de ceux qui contribuent aujourd'hui à les restaurer.
M. Olier a également contribué à l'évangélisation du Canada, en participant notamment à la fondation de la
"Société de Notre-Dame de Montréal pour la conversion des sauvages de la Nouvelle-France".