« Igor est photographe. Il vit à Vevey. Il voyage. Au Mexique il rencontre Monica.
Après un orage, le réel prend à ses yeux une densité inconnue. Soudain le monde est irisé. »
Cette quatrième de couverture elliptique restitue bien la tonalité du premier roman de Célia Houdart, Les merveilles du monde (P.O.L), même s'il serait plus approprié de parler d'atonalité. L'écriture y est en effet blanche et impassible, déroulant avec le recul de l'objectif une succession d'instantanés saisis par un style neutre, comme par peur de briser le présent dans son éclosion. Le rendu est troublant et comme en photographie, parle plus par évocations et suggestions que littéralement, dans le phrasé de mots encerclant la réalité pour mieux la dire. Ici, l'écriture est absence, ou plutôt abandon, au monde et au pouvoir de l'image, comme si, du sujet de son propre livre, l'auteur est davantage le spectateur que le metteur en scène.
« Igor était d'une humeur très étrange. Depuis l'orage, tout se passait comme s'il ne percevait plus le monde qu'au travers des paillettes de verre qui irisaient la surface des meubles et des objets de chez lui. Il découvrait un réel prismatique, composé de souvenirs minces, miroitants, fugitifs, aussi peu visibles que des écailles de poisson sur le bord d'un évier. » P.97.
Cela laisse au lecteur le soin de s'emparer de ce court texte pour le faire vivre dans son imagination, au sens premier du terme. A défaut, il risque de passer à côté de cette invitation à la contemplation. Le Livre des merveilles du monde, le journal de voyage de Marco Polo, offert à Igor par un ami, donne son titre au livre et une clé pour sa compréhension et son appréhension : laisser le silence s'installer devant l'enchantement du monde sensible.