Bourses en hausse, boom des matières premières… Disposant d’importantes liquidités grâce à la générosité des États, banques et fonds spéculent plutôt que de financer la reprise. Au risque de relancer la crise encore plus gravement.
Pour l’économiste Dominique Plihon, méfiance vis-à-vis du dollar et perspectives énergétiques expliquent l’attrait des spéculateurs pour une « ruée vers l’or et le baril de pétrole ». Entretien.
L’analyse complète dans l’Humanité de mardi.
- On note à cette phase de la crise un développement de la spéculation sur l’or et le pétrole essentiellement. Comment l’expliquer ?
Dominique Plihon. L’or a toujours joué un rôle de valeur refuge. Dans les moments ou il y a une inquiétude sur l’avenir, il attire les spéculateurs et les placements. Dans la phase actuelle de la crise, c’est lié à l’affaiblissement relatif du dollar. Au plus fort de la crise, à l’automne 2008, paradoxalement, le dollar a plutôt monté, les investisseurs ont considéré l’économie américaine, en dépit de son affaiblissement, les bons du Trésor américain, comme des valeurs refuges. La hausse actuelle de l’or apparaît donc comme une preuve de méfiance à l’égard de l’économie américaine.
- Les banques centrales des pays émergents, grands exportateurs de produits industriels (Chine, Inde) ou pétroliers ne jouent-elles pas un rôle en cherchant à diversifier leurs réserves : elles vendraient des dollars pour acheter de l’or ?
Dominique Plihon. Ceci est possible, mais si c’est le cas, il s’agit d’un jeu dangereux. La Chine, par exemple, n’a pas intérêt à une baisse trop forte du dollar car la plupart de ses actifs sont placés en dollars. Je ne pense pas que cela ira très loin.
- Pourquoi la spéculation se porte-t-elle sur le pétrole ?
Dominique Plihon. L’élément permissif de la spéculation sur le pétrole, c’est l’injection massive de liquidités à laquelle ont procédé les banques centrales depuis 2007 afin de sauver le système bancaire et financier international. Il y avait déjà trop de liquidités internationales avant et maintenant il y en a encore plus. On sait qu’avec la reprise de la croissance dans les pays industrialisés et émergents, comme la Chine, l’Inde, une demande de pétrole forte va se manifester et, à moyen terme, comme l’on atteint des seuils ou l’exploitation va se révéler plus difficile et coûteuse, le prix du pétrole va nécessairement monter. Par ailleurs, il est possible que les autorités chinoises aient pris leurs précautions afin de s’assurer un approvisionnement à long terme en produits pétroliers. Cela peut contribuer à tendre le marché. Les spéculateurs pensent que les prix vont être orientés à la hausse et donc ils jouent la hausse. Ils achètent des cargaisons de pétrole maintenant afin de les revendre plus tard.
- Qu’est-il possible de faire pour calmer le jeu ?
Dominique Plihon. Les marchés sont nerveux parce que l’on constate qu’il y a un début de reprise mais l’on ne sait pas si celle-ci sera pérenne. Une coordination internationale serait la bienvenue, cela suppose plus de transparence de la part des États. Il faudrait une concertation afin de limiter la panique sur les marchés et ne pas jouer de fait le jeu de la spéculation. L’idéal serait de casser la spéculation par un durcissement des règles sur les marchés à terme, hautement spéculatifs, des matières premières et du pétrole.