Figure du Montmartre du début du 20ème siècle, Gabriel Randon est né en 1867 à Boulogne sur Mer. Sa mère l’emmène à Paris alors qu’il n’est qu’un enfant. Quittant à 16 ans cette femme qui le maltraite, il erre dans la capitale, côtoie les clochards et les vagabonds et trouve refuge dans le très pauvre et populaire quartier du sacré cœur.
Jehan Rictus, son pseudonyme d’artiste, naîtra en 1896, inspiré par la lecture de Villon. Chansonnier et poète, Jehan Rictus crache d’abord sur le papier, puis dans les cabarets parisiens, sa jeunesse passée dans la rue, entre misère et souffrance.
Pour dire la rue, le froid et la faim, il s’exprime dans un argot aux accents du faubourg que Vautrin et Tardi n’auraient pas renié. Défenseur des moins que rien, il veut faire entendre la voix de ceux qui n’ont pas la parole. Le langage parlé des soliloques du pauvre est une mélodie atypique dont beaucoup de slameurs actuels sont les héritiers.
Ce n’est pas la légion d’honneur obtenue quelques années avant sa mort qui changera sa fidélité au peuple. Pendant urbain du poète de la terre Gaston Couté, Jehan Rictus a vu ses textes déclamés sur scène par Jean-Claude Dreyfus.
Il faut lire et relire Les soliloques du pauvre pour entendre cette voix de la misère et de la révolte qui, plus de 100 ans après sa première publication, n’a jamais été autant d’actualité.
"Faire enfin dire quelque chose à quelqu’Un qui serait le Pauvre, ce bon pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours.
Voilà ce que j’ai tenté."
Les soliloques du pauvre et autres poèmes, de Jehan Rictus, Éditions Au diable Vauvert, 2009. 5 euros.
L’info en plus : Une édition critique des Soliloques du pauvre est parue en juin 2009 aux éditions Classiques Garnier, 1er volume de la collection Classiques de l’argot et du jargon.