Il a montré ainsi comment des œuvres comme Matrix, plutôt que de générer de simples produits dérivés, ont inauguré une nouvelle façon de créer un univers fictionnel à travers des médias complémentaires.
Alors que dans le cross-média, on décline, en l’adaptant, une œuvre principale (souvent un film ou un livre) sur un certain nombre de supports secondaires, l’univers transmédia est généré par plusieurs médias, qui apportent tous, de manière plus ou moins égale, grâce à leur spécificité, un regard nouveau sur l’univers et l’histoire. Chaque média a sa propre autonomie, sa propre temporalité, mais en même temps, chacun apporte sa pierre à l’ensemble de l’édifice. C’est le cas des court-métrages Assassin’s Creed, sortis récemment, qui apportent un éclairage sur l’histoire familiale du héros principal du jeu et donnent un sens à ses motivations.
Si le transmédia inaugure une nouvelle façon de raconter des histoires sur plusieurs médias, on s’aperçoit qu’il ne rime pas forcément avec interactivité. Encore trop souvent, il n’est, en ce sens, qu’un système de cross-média amélioré.Dans les ARG (Alternate reality game, jeu en réalité alternée), ou les jeux qui s’y apparentent comme In Memoriam, l’interactivité est, au contraire, le moteur de l’expérience (voir mon billet précédent). Cela induit une configuration différente en matière de dispositif , d’utilisation des différents médias, et de réalisation.
En novembre 2005, j’ai été invité au M.I.T pour présenter In Memoriam. Après ma présentation, Henri Jenkins, a mis l’accent devant ses étudiants sur un point qui lui paraissait essentiel dans l’expérience : la simultanéité des différents médias sollicités et leur imbrication au service de la narration.
Dans In Memoriam , les différents médias se répondent et s'enrichissent les uns les autres. Ils génèrent au sein du système de jeu une unité narrative et surtout un continuum d’expérience indispensable pour brouiller les pistes entre la fiction et la réalité.
La fiction totale s’apparente aux ARG, qui eux aussi mettent en œuvre, en temps réel, plusieurs médias interconnectés. Mais alors que les ARG (de part leur nature promotionnelle), proposent une expérience morcelée qui manque d’accompagnement et trop souvent de force et de cohérence, la fiction totale accompagne le cheminement du joueur.
En un sens la fiction totale tente de rompre avec l’esprit élitiste ou amateur des ARG. Elle tente de les rendre plus accessibles et plus populaires. Complémentarité des différents médias, simultanéité, cohérence, immersion, en sont les principaux ressorts.
Si des jeux vidéo comme Majestic ou In Memoriam en ont créé les bases, on peut considérer que la fiction totale était déjà en germe dans la célèbre émission d’Orson Welles la Guerre des mondes, ou d’une certaine façon, dans des films plus récents comme Blair witch project ou Cloverfield, des séries comme Lost ou Fringe. Si nous sommes quelques uns à en avoir posé les jalons depuis une dizaine d’années, la fiction totale reste encore à inventer.
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PS : pour ceux qui découvrent In Memoriam et qui souhaitent en savoir plus sur sa réalisation, je renvoie à d'autres billets qui lui sont consacrés dans la rubrique Fiction transmédia.
Illustration 1 : le comédien Marc Stussy filmé pour le journal de France 2, incarne le détective Jean-Marie Lefebvre et répond en direct aux appels des joueurs d'In Memoriam 2.
Illustration 6 : In Memoriam 1, octobre 2003.
Illustrations 2,3,4,5,7 : In memoriam 2, septembre 2006.