A Paris, une stèle pour les enfants juifs déportés
CHARLOTTE ROTMAN - http://www.liberation.fr/ QUOTIDIEN : samedi 27 octobre 2007
Il jouait dans ce square avec les copains du quartier. Jusqu’au jour où il n’eut plus le droit d’y pénétrer. Charles Tremil avait 7 ans. Il a alors découvert qu’il était juif et qu’il devait coudre une étoile jaune à ses habits. Plus de soixante ans après, il se tient à nouveau dans ce jardin, pour honorer la mémoire de 85 enfants du IIIe arrondissement de Paris, des «tout-petits qui n’ont pas eu le temps de fréquenter une école» et qui sont morts en déportation. Comme Françoise Sukno, 2 mois, Simon Horyn, 1 an, Rachel Aktor, 2 ans, Ida Sztern, 3 ans, Léon Waserman, 5 ans...
La stèle installée vendredi en présence de quelques centaines de personnes est la dernière de l’arrondissement, l’aboutissement d’un travail entamé en 2000. Elle porte les noms, prénoms et âges de ces disparus. 11 400 enfants juifs furent déportés de France, dont 559 qui vivaient dans cet arrondissement. Charles Tremil est le président de l’association Histoire et mémoire du IIIe. Depuis plusieurs années, il recense école par école le nom des enfants juifs déportés. A chaque fois, comme dans les XXe, XIe ou IVe, une plaque est apposée. A l’école de la rue Béranger, la plaque porte le nom de son frère. En 1942, sa famille avait quitté son domicile de la rue de Saintonge, pour se réfugier vers Evreux. «Mais le 15 du mois, il fallait payer “le terme”, le loyer.» Alors sa mère est retournée à Paris, avec ses aînés. Ils ont été arrêtés dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942. La mère, Paula, et son frère, Jacques, 13 ans, ont été parqués au Vel’ d’Hiv. Puis déportés et gazés à leur arrivée à Auschwitz. Maurice, son frère âgé de 15 ans, a réussi à s’échapper. Il a rejoint le maquis.
Pour retrouver chaque nom, Charles Tremil a épluché la liste mise au point par Serge Klarsfeld, mémorial de papier publié en 1994. Il a compulsé les registres des écoles et lycées, croisé avec les fiches d’état civil de la mairie, et même avec les certificats d’études conservés par les archives. A l’école de la rue de Montmorency, Charles a trouvé un double registre caché dont les noms ne correspondaient pas au registre officiel. «Beaucoup ont été sauvés par des directeurs d’école.» Petits artisans, ouvriers casquettiers, couturières, bijoutiers, leurs parents avaient fui la Pologne ou la Russie, comme les siens. Aujourd’hui, Charles Tremil (de son vrai nom Trzmil) vit toujours rue de Saintonge. A deux pas du square du Temple, devenu lieu de mémoire.