Naturellement, en bons parents que vous êtes, vous avez la chance d’avoir des enfants exceptionnels. J’ai moi aussi cette chance, mais la différence, c’est que les 3 miens le sont vraiment !
Pas toujours comme j’aimerais, mais je finis par croire qu’ils ont des facultés supra normales. Voulez-vous des preuves ?
D’abord, ils me regardent de haut.
Ce n’est pas difficile me direz-vous, mais on peut se poser la question (et quand je ne me la pose pas, les autres le font) : aberration chromosomique ou égarement passager de ma chère et tendre ? Trois fois quand même, ça laisse à penser !
Quand j’ai l’idée funeste de leur prêter ma voiture, en la reprenant j’ai l’impression d’être un nain : je suis à 30 cm des pédales, je regarde à travers le volant et le rétro reflète le haut de mon crâne ! Un peu vexant ! Ne retournons pas la plaie autour du couteau et disons que l’hérédité dépend d’un grand nombre de facteurs ! (Depuis, je hais les P et T).
Corollaire à leur taille, ils ont en commun un appétit féroce et insatiable. Cela a commencé dés leur plus jeune âge. Bébés, on a commandé en Australie des biberons géants et les pots doubles rations qu’ils utilisent pour les jeunes kangourous. Ados, ça ne s’est pas calmé. Les triples Biges Macs et les pizzas pour 4 personnes – chacun – ont fait ma ruine et ma désolation. Ce ne sont que des tubes digestifs ambulants. Je n’en veux comme témoin que l’usure accéléré du sol entre leur chambre et le réfrigérateur. On les suit à la trace. A croire qu’à leur naissance, un savant fou leur a greffé directement l’estomac au cerveau. Je me demande d’ailleurs parfois s’il a vraiment mis le cerveau…
Autre don, ils ont aussi la science infuse.
Quoiqu’on leur dise, ils le savent déjà ! En sport, 10 minutes après avoir débuté, ils doivent être Agassi, Tiger Wood ou Douillet. On peut se demander pourquoi on leur dispense des cours! Et quand ils sont (quelquefois) à l’école, ce sont les seuls à traverser une scolarité entière sans faire de devoirs.
A la question classique que nous posons tous les soirs: « qu’as-tu à faire pour demain ? », la réponse est invariable : « rien ! ». J’admire profondément cette faculté qu’ont mes enfants d’apprendre les innombrables choses dont on les abreuve, sans ne jamais les mettre en pratique. Peut-être, les instituteurs et professeurs font-ils si bien leur travail qu’il n’est nul besoin de réviser à la maison ? Ou encore, les réformes hétéroclites et désordonnées dont chaque ministre de passage a fait bénéficié l’Education Nationale ces 15 dernières années, font-elles enfin leurs preuves ?
Il est vrai que cette faculté ne transparaît pas vraiment dans leurs bulletins, mais sans doute le professeur est-il injuste avec eux ? A croire que ces bulletins sont photocopiés d’année en année en changeant uniquement la date, car leur contenu ne varie pas : cet enfant (jeune, élève ou étudiant) a des possibilités qu’il n’exploite pas : peut mieux faire ! Nous n’avons jamais de surprises. Les encouragements sont de la science fiction, et quant aux félicitations, c’est du domaine du rêve. Vu que, contre toute attente, ils arrivent quand même au bout de leur scolarité dans des délais acceptables, je crains pour la stabilité du monde le jour où mes enfants exploiteront leurs possibilités ! Faudrait pas trop qu’ils tardent pour que je vois ça…
Une autre faculté qu’ils possèdent est l’assimilation d’une culture musicale conséquente, variée et la plupart du temps, parfaitement inaudible.
A notre époque (locution qu’adorent les enfants et qui nous situe dans des limbes entre Cro-magnon et Mai 68), c’était simple : il y avait la musique de danse, (jerk ou rythm and blues, rock ou bop, et slow) et celle qu’on écoutait (jazz, blues et variété).
Je ne parle évidemment pas de la musique classique qui est éternelle. Le jerk a bien eu ses sous-produits mode, madison, twist, bostella, hully-gully et autres succès d’été. Il y avait également des chansons, commerciales, quelconques ou simplement infâmes, mais dans la grande majorité, la musique d’alors était mélodieuse. II faut dire que nous étions moins intelligents que les enfants d’aujourd’hui. Enfin, c’est l’impression que me donnent les miens pour qui j’oscille entre au mieux, dépassé, et au pire, complètement ringard, encore que je ne sache pas si ce mot fait partie de leur vocabulaire. Pour en revenir à la musique de danse, si le rock, avec ses dérives (hard, gothic) a heureusement survécu, le slow lui, a totalement disparu. Pour nous, le slow était synonyme de rencontre, d’émotion et de tendresse parfois. Nous flirtions sur un slow, eux ils draguent sur le Web.
On transpire moins c’est sûr, mais plus tard, ils n’auront pas comme nous, en écoutant une chanson d’avant, un petit pincement au cœur et un sourire aux lèvres. Le souvenir d’un slow qu’on voulait torride, au fond d’une boîte obscure, avec une minette aussi empotée que nous, et qui la plupart du temps se réduisait (le slow, pas la fille) à un échange de sueur et à un papouillage humide, mais dont nous revenions émus et fiers devant les copains : « Alors, t’y est arrivé, t’y est arrivé ? ». Et même si le baiser espéré n’avait pas été au rendez-vous, nous acquiescions avec un sourire faraud. La magie de l’imaginaire était là et aujourd’hui, le souvenir de ces centaines de baisers manqués (et de ceux réussis, faut pas croire !) me fait chaud au coeur. Je ne sais pas si le souvenir d’Internet restera dans la mémoire des jeunes d’aujourd’hui avec la même intensité.
Après ce passage émotion, revenons à nos boutons comme disent les acnéiques.
J’admire donc la facilité avec laquelle mes enfants se reconnaissent dans la jungle des musiques actuelles. Liste non exhaustive : techno, rap, transe, heavy, hip hop, disco, reggae, acid jazz, trash, groove, métal, j’en passe et des moins bonnes. Cette cacophonie (cacaphonie ?) ayant comme caractéristique générale d’être nerveuse et agressive pour les tympans. A n’en pas douter, mes parents disaient la même chose des musiques de 1965 !
En ce temps-là, la musique n’était pas multiculturelle, ni multiethnique comme aujourd’hui. L’inspiration venait d’Angleterre ou des States et hormis l’anglais, point de salut. De nos jours, il est difficile à une musique de garder sa spécificité, avec les mélanges d’influences qu’elle absorbe. Quand ils écoutent un morceau mêlant allégrement des chants grégoriens, une mélodie celte, un peu de musique andalouse, et un soupçon d’air hindou, ils trouvent ça ‘’géant, planant ou tripant’’ alors que j’ai du mal à trouver ça simplement harmonieux. Mes oreilles doivent être différentes des leurs et même si d’après les dires familiaux elles fonctionnent moins bien, je n’entends pas la différence vu qu’ils écoutent tout à plein volume.
Particularité qui découle de ce qui précède, ils sont pilivores.
Je veux dire par là qu’ils font une consommation de piles de toutes tailles et de tous genres qui frôle le budget annuel de la NASA et qui en tout cas dépasse largement le mien ! Et quand ils sont en panne, ils piquent subrepticement les piles de la télécommande télé. Ce qui a pour effet de faire piquer une crise de nerfs à leur mère qui essaye depuis 20 minutes de changer de chaîne et qui loupe son feuilleton préféré !
Enfin, last but no least, ils sont fascinés par l’image.
Je ne parle pas photos ou journaux, je veux dire écrans. Que ce soit la télé, l’ordinateur, la vidéo ou le micro onde, tout ce qui bouge derrière une surface vitrée les tétanise. Il faut dire à leur décharge que maintenant, on nous colle des écrans partout :
Sur les montres, les chaînes HI FI, les appareils photos, les fours, les réfrigérateurs, les téléphones et même où on les attend le moins comme sur les baskets ou les thermomètres. Sans rentrer dans des détails scabreux, avez-vous déjà essayé de lire un thermomètre que vous vous êtes délicatement introduit dans l’endroit que la nature, décidément très bien faite, a prévu à cet effet ? Deux solutions : ou vous êtes contorsionniste et au bout de 3 minutes la tête entre les jambes vous aurez une crampe, ou vous ne l’êtes pas et à force de gigoter, vous tombez en arrière, l’objet du délit est définitivement perdu et là, vous avez vraiment de la fièvre !
Je pourrais ajouter au tableau la téléphonite aigue, une propension effrénée à l’occupation des toilettes, l’utilisation surabondante du mot « attends ! », et une hantise prononcée au réveil, mais uniquement les jours de classe.
Voilà ! Etes-vous maintenant convaincus que mes enfants sont exceptionnels ? Je suis certain qu’en lisant, vous vous êtes dit : « Il est fou ce type ! Les miens sont pareils. » Tant pis pour vous et je compatis. Sans doute avez-vous comme moi un torticolis perpétuel à force de les embrasser, des bulletins scolaires déprimants, 2 réfrigérateurs perpétuellement pleins de vide, un téléphone constamment occupé, un répondeur hystérique, des toilettes inabordables et une télé que vous n’arrivez pas à approcher. Je cite pour mémoire 45 kgs de piles que vous devez essayer une à une pour savoir si elles sont bonnes ou non, les oreilles qui coulent et un thermomètre égaré !
Bien sûr qu’on les aime quand même. Bien sûr qu’il y a des musiques sympas, des boîtes à bac, des piles pas chères, des promotions chez Pizza Hut et des thermomètres jetables. Bien sûr que nous sommes des vieux croûtons radoteurs et que nos parents nous ont dit la même chose à leur âge. Bien sûr qu’ils devraient nous écouter plus souvent, travailler un peu plus, profiter de notre expérience, en un mot devenir adultes. Mais…….
……Mais alors…… ce ne serait plus nos enfants !
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