C’est la mobilisation générale. Contrainte de disputer un match d’appui mercredi contre l’Egypte à Omdurman, près de Khartoum, capitale du Soudan, l’Algérie entraîne dans son sillage une marée humaine. 20 000 supporteurs sont en effet attendus au Al-Merreikh Stadium, qui compte 40 000 places. Cette rencontre décisive pour la qualification au Mondial a désormais débordé de son cadre purement sportif pour rejoindre le terrain politique avec de forts relents nationalistes.
Samedi soir, les bagarres entre supporteurs (32 blessés dont 20 graves avec une rumeur évoquant la mort d’un Algérien démentie officiellement dans la soirée) et même entre… journalistes qui ont émaillé l’après-match n’ont fait qu’aviver les tensions.
«On va leur prouver qu’on aime notre équipe »
Depuis quelques jours, c’est donc camp contre camp. La décision du ministre du Travail algérien ne va pas être de nature à apaiser les esprits. Celui-ci aurait en effet demandé de ne plus délivrer de permis de travail à tout Egyptien souhaitant s’installer en Algérie ! Quand un match de foot devient une affaire d’Etat…
Mais les plus acharnés des supporteurs algériens n’ont que faire de cette récupération politique. Sevré de sensations fortes depuis vingt-quatre ans et une dernière participation au Mondial 1986 au Mexique, le peuple algérien souhaite ardemment découvrir l’Afrique du Sud. Mais ce voyage pour le rêve fera une escale obligatoire mercredi au Soudan.
C’est donc une déferlante verte qui est annoncée sur les bords du Nil. Conscient de l’enjeu, le gouvernement algérien a décidé d’encourager les candidats à cette expédition : pas de visa nécessaires, 5 000 à 10 000 places de stade d’ores et déjà offertes et des tarifs bradés pour les billets d’avion (180 € pour un aller-retour au lieu des habituels 900 €). Hier, les agences d’Air Algérie à Alger ont été prises d’assaut, la police devant même barrer des routes pour juguler l’impressionnant flot de clients. Le premier avion sur les trente affrétés pour la capitale soudanaise a décollé dès hier à minuit. Samir, chômeur de 21 ans, lui, prendra un vol charter ce matin : « C’est ma mère qui m’a prêté l’argent. Je vais y aller avec deux voisins. Je ne sais pas où on va dormir, mais on s’en fiche. On va leur prouver qu’on aime notre équipe. » Dahmane, un commerçant d’une quarantaine d’années, va plus loin : « On va leur montrer que Khartoum est la banlieue d’Alger ! »
Une rixe assez violente a éclaté hier après-midi vers 16 heures entre des dizaines de supporteurs algériens et égyptiens dans le quartier des Quatre-Chemins à Pantin (Seine-Saint-Denis). La bagarre à coups de pied et de poing a fait trois blessés légers. Cinq protagonistes, arrêtés sur place, ont été placés en garde à vue. Le quartier a été placé en « sécurisation » pour la nuit.
Farid Zouaoui (avec Mourad Ouadahi à Alger)/ Le Parisien