J'ai même eu droit à quelques rayons de soleil en traversant un canal avec Alexandra, qui me guide dans sa ville. Derrière un pont, une rangée de petits appartements dont les baies vitrées sont encadrées de néons rouges. Des femmes s'y tiennent, accoutrées en résille et froufrous. En vitrine. Mais oui, on lit ça partout, comment se fait-il que ça m'étonne ? Elles sont toutes moches et ont l'air malheureuses. Je me sens coupable de ne pas retenir leurs services, ah, ah, ah. J'explique ça à Alex qui me dit de prendre un air gai.
Les nuages anthracite qui s'approchent. Nous traversons le marché. Je trouve des lentilles corail pour faire mon fameux biker-dahl. Nous achetons aussi du chocolat en vrac, en immenses morceaux. Nous prenons le thé dans un petit café hippie où la sono passe une chanteuse que je ne connais pas qui reprend To Make You Feel my Love de Dylan. Les vélos filent dans les flaques par la vitre. C'est notre tour d'être à l'intérieur, regardés par ceux qui passent. Le soleil revient faire un tour. Nous rentrons. Je regarde un peu les tuques rasta, je passe tout près d'en acquérir une, multicolore, qui donne à ma tête l'allure de l'ancien logo d'Apple. J'y retournerai peut-être demain. Après tout, le froid ne va pas cesser et j'ai encore un mois de route devant moi.
Nous marchons sur la rue et les immenses vitres partout reflètent les ogres gris dérivant du Sud au Nord. Pas de bicyclette pour quelques jours. Je pense soudain, furtivement : « esti, me vlà à Amsterdam ».