Oeuvre sociale qui s’inscrit dans les films Gyemong, Children in the Firing Range (1967) de Kim Soo-yong nous plonge dans la pauvreté d’un village dont les habitants survivent par le ramassage de détritus d’obus tirés par l’armée. Une institutrice, Ji-yeong arrive pour prendre ses fonctions dans l’école du village et réalise la pauvreté qui y règne…
Children in the Firing Range surprend. Car on s’attend tout d’abord à voir un film de propagande de plus alliant les mérites d’un pays et de sa population. Pourtant ici, si l’œuvre se targue de faire partie de ces films calibrés pour mettre en avant les préceptes du Gyemong, le cinéaste parvient à détourner son propos pour en faire une œuvre profondément réaliste sans embellir une situation qui se veut extrêmement difficile. De plus, si le doublage souffre d’un décalage certain, la prestation des enfants est remarquable, leur jeu sonne vrai et parvient à communiquer une véritable émotion. L’histoire de ces laissés pour compte se veut captivante et intelligente dans sa construction notamment sur les moyens engagés qui contraste avec le sujet traité. Bien entendu, si certaine ponctuation comme la musique employée et certains dialogues poussifs nous rappellent que nous visionnons un film de commande, ce film de Kim Soo-yong n’en garde pas moins une force de conviction dans son traitement.
Dans Children in the Firing Range, nous assistons donc au quotidien de villageois déracinés de leur terre depuis la séparation de la Corée. Á travers plusieurs portraits d’enfants et d’adultes, Kim Soo-yong lève le voile sur une situation précaire et toute particulière. Le moyen de survie est paradoxale puisque nombre de villageois vont jusqu’à risquer leur vie pour ramasser des bouts de métal issus de la destruction d’obus qui proviennent d’une armée censée les protéger face à l’ennemi du Nord. Á grand renfort d’artifice militaire, le cinéaste nous montre la quintessence de la force armée entre canon et avions de chasse qui virevoltent dans le ciel. Parallèlement la survie croissante des habitants et les prises de risque se mettent en totale opposition avec cette image donnée de l’armée : une puissance qui ne reculera devant rien. Un sentiment persiste, celui de voir une population qui souffre (et prête à être sacrifiée) au dépend d’une armée qui possède de gros moyens.
Finalement, Children in the Firing Range offre un sujet peu commun, ces ramasseurs de métal en usant d’un récit qui égratigne une Corée du Sud abandonnant certains de leurs citoyens à leur triste et dangereux sort. Si cette œuvre de Kim Soo-yong n’est pas à proprement parlé un brûlot, elle n’en garde pas moins une dénonciation d’une situation révélant les paradoxes d’un pays. Une Corée du Sud qui lançait de grands travaux pour moderniser l’ensemble du pays mais aussi l’importance donnée à l’armée dans ce conflit permanent avec sa sœur communiste aux dépends d’une frange de la population. Children in the Firing Range est incontestablement une œuvre à (re)découvrir pour une situation qui rappelle malheureusement celle de certains pays du tiers-monde actuellement.
I.D.