Salut les Nambikwara
Tiens, aujourd’hui, un peu d’anthropologie. Ça vous fera les pieds. C’est qu’on vient de tomber sur un petit texte charmant de Lévi-Strauss (1909-2009), où il narre sa rencontre avec la plus authentique douceur sensuelle au fin fond de la pampa sauvage. La scène se passe chez les Nambikwara, dans le nord du Mato Grosso, au milieu des années 30.
«Le visiteur qui, pour la première fois, campe dans la brousse avec les Indiens, se sent pris d’angoisse et de pitié devant le spectacle de cette humanité si totalement démunie; écrasée, semble-t-il, contre le sol d’une terre hostile par quelque impalpable cataclysme; nue, grelottante auprès des feux vacillants. Il circule à tâtons parmi les broussailles, évitant de heurter une main, un bras, un torse, dont on devine les chauds reflets à la lueur des feux. Mais cette misère est animée de chuchotements et de rires. Les couples s’étreignent comme dans la nostalgie d’une unité perdue; les caresses ne s’interrompent pas au passage de l’étranger. On devine chez tous une immense gentillesse, une profonde insouciance, une naïve et charmante satisfaction animale, et, rassemblant ces sentiments divers, quelque chose comme l’expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine.»
Entre deux câlins et trois papouilles, il n’est pas impossible d’imaginer que ces indiens-là se restaurent avec la même gourmandise ingénue. Tiens, on leur proposerait bien notre salade de céleri branche au gingembre, pignons rôtis et copeaux de pecorino. Une salade d’hiver acidulée et spirituelle, dont voilà la savante ingénierie:
Rincez puis pelez grosso modo les branches de céleri à l’économe. Détaillez en petites virgules.
Rôtissez les pignons à la poêle sans matière grasse. Laissez refroidir.
Pelez et émincez mini un bout de gingembre frais. Pressez un citron vert. A l’économe, prélevez quelques copeaux filiformes dans un pécorino bien sec.
Disposez le céleri et le gingembre à plat dans une très belle et large assiette. Oignez avec largesse d’huile d’olive et de jus de citron. Poivrez, salez (parce sur le céleri, le sel rit, warf).
Au moment fatidique, celui de la cène donc, coiffez de pignons et pécorino, puis servez avec «une immense gentillesse et une profonde insouciance». Les convives en seront tout chose.
A +
Biz