source: aujourdhuilejapon.com
Pollution, bruit, accidents, viols: une majorité des habitants de l'île d'Okinawa en a assez des soldats américains et presse le gouvernement japonais de faire partir les “boys” qu'ils supportent depuis plus de 60 ans.
Plus de 20.000 insulaires ont manifesté dimanche avant la visite du président américain Barack Obama attendu à Tokyo vendredi.
“Pourquoi Okinawa ?”, s'énerve Hiroshi Ashitomi, organisateur d'un campement de protestation sur la baie de Henoko, au nord-est d'Okinawa (sud) où pourrait être construite une nouvelle base.
Le Japon et les Etats-Unis ont signé en 2006 un accord de redéploiement de la présence américaine, qui prévoit notamment le déplacement de la base aérienne de Futenma, située à Ginowan, une zone urbaine de l'île, vers cette baie aux eaux coralliennes.
“Qu'ils ferment d'abord la base avant de parler de l'endroit où la reconstruire”, grogne M. Ashitomi, un ancien élu local.
Comme lui, de nombreux insulaires ont l'impression qu'Okinawa a déjà largement payé l'addition des tumultueux rapports nippo-américains.
L'île a été le théâtre en 1945 de l'une des plus sanglantes batailles de la Seconde guerre mondiale. Quelque 200.000 personnes y ont perdu la vie dont la moitié de civils, certains étant poussés à se suicider par l'armée impériale nippone plutôt que de se rendre à l'ennemi américain.
Administrée dès lors par les Etats-Unis, l'île a été rétrocédée au Japon en 1972, mais accueille encore les trois quarts des bases et la moitié des 47.000 soldats américains présents dans l'archipel au nom d'un traité de sécurité entre les deux pays.
Stratégiquement placé non loin de la Chine, de Taïwan et de la péninsule coréenne, ce petit territoire est surnommé “le porte-avions insubmersible” de Washington.
Mais la concentration de soldats s'est accompagnée depuis 1945 de viols et de crimes, d'autant plus mal vécus en raison du statut limitant les prérogatives de la police japonaise à l'encontre des militaires américains.
Les manoeuvres accroissent en outre le risque d'accident. En 2004, un hélicoptère américain s'est écrasé dans la cour d'une université de Ginowan, sans faire de victime par miracle.
Dernier incident en date impliquant l'armée: une voiture apparemment conduite par un soldat a écrasé un sexagénaire et son pilote a pris la fuite.
Sans parler des conséquences écologiques du bétonnage tous azimuts sur cette île tropicale.
A Henoko, l'armée américaine prévoit de construire deux pistes en forme de V en face de la baie pour la nouvelle base. Un projet dénoncé par les défenseurs de l'environnement qui craignent pour la survie du dugong, un mammifère marin en voie de disparition, et pour les fonds coralliens.
“Les Etats-Unis se disent prêts à construire la piste d'atterrissage offshore plus loin du littoral, mais nous refusons l'installation de la base elle-même”, prévient Michiru Sakai, une guide kayakiste pour qui “le Japon ne peut plus accueillir d'autres bases”.
Les opposants ont repris espoir depuis l'arrivée au pouvoir en septembre à Tokyo, distante de 1.600 km, du Premier ministre Yukio Hatoyama dont le parti de centre-gauche a mis fin à plus de 50 ans de pouvoir des conservateurs, aux positions alignées sur la diplomatie américaine.
M. Hatoyama qui a promis de bâtir une relation plus équilibrée avec Washington devra toutefois se montrer “clair et direct” avec M. Obama, prévient Tetsuro Kato, politologue à l'université Hitotsubashi. “Ou alors il ne pourra pas régler le problème des bases”.