Décidément, les stéréotypes ethniques ont la vie dure. Il a suffi d'une photo floue prise par une touriste espagnole, tout près de Tetouan, d'une fillette marocaine pour que la machine médiatique, espagnole et puis internationale, se met en marche: Madeline McCann, petite anglaise de 4 ans disparue au Portugal depuis le 2 mai dernier, serait enlevée par un couple de Marocains. Pourquoi ce malentendu? La réponse est simple: la fillette marocaine photographiée sur le dos de sa maman était blonde comme Madeleine. Le mystère vite éclairci, la Maddie marocaine s'appelle en fait Bouchra Benaissa. Ses parents, Ahmed et Hafida, d'une extrême gentillesse, se sont même prêtés aux longues questions des gendarmes, et surtout à l'harcèlement des dizaines de journalistes internationaux, Anglais et Espagnols en tête, qui voulaient élucider ce "mystère".
Ce petit malentendu, qui somme toute mineur, révèle un autre, beaucoup plus grand. Les Européens en général, les Espagnols en particulier ne connaissent presque rien de l'architecture ethnique du Maroc. La Map souligne en effet que ce petit incident a permis aux voisins ibériques de découvrir l'existence de personnes blondes au Maroc. La presse britannique a essayé d'expliquer à ses lecteurs cette réalité "confondante" et avance des explications pseudo historiques sur l'origine de ces blonds sur les terres nord-africaines. Ils seraient ainsi les descendants d'anciens esclaves venus d'Europe, écrit The Daily Mail. Comme si les bruns en Europe sont tous des descendants de Sarrasins esclaves! Presque aucune trace de la longue tradition du Melting pot marocain: Phéniciens, Berbères, Carthaginois, Romains, Vandales, Arabes, Africains, Juifs, Européens... On le voit, un petit "incident" est capable de faire ressurgir les pires représentations médiévales de l'Arabe ou du Maure: un sans-pitié, esclavagiste et kidnappeur. Nombre de sites européens, par exemple, se sont attelés depuis longtemps à disséquer le Royaume du Maroc en le décrivant comme étant un "pays connu par l’esclavage d’enfants et la pédophilie organisée".
L'ignorance consternante dont fait preuve l'opinion publique européenne à l'égard de la réalité marocaine vient essentiellement du fait que les Européens voient le Maroc comme un bloc sociologique homogène qui a des attributs physiques et psychologiques uniformes. Cette vision est alimentée par certains "experts" universitaires qui s'abreuvent d'un savoir académique monolithique alimenté par des siècles de confrontation, et une presse paresseuse qui ressasse à longueur d'éditions les mêmes stéréotypes et les mêmes poncifs.
Durant les dernières élections législatives marocaines, la presse occidentale, présente dans le Royaume en grand nombre, avait annoncé à maintes reprises un raz de marrée islamiste et un changement radical dans l'orientation du gouvernement marocain. Dans ces élections exemplaires, rien de tout cela n'est arrivé. Et à l'annonce même des premiers résultats, cette presse, déçue et dépitée, cessa sa couverture et annonce à peine les résultats définitifs. La presse espagnole, encore elle, va même jusqu'à douter de la validité de ces élections. L'islamisation du Maroc était une chose inéluctable, les experts et la presse ne pouvaient pas se tromper! Mais souvent, quand il y a une erreur, la mauvaise foi n'est pas très loin.
Revenons maintenant à notre petite tête blonde: Bouchra Benaissa. Cette adorable fillette, malgré elle, semble corriger ces poncifs et adresser une leçon à ce genre de presse: son innocente ressemblance avec Maddie McCann prouve les complexités sociologiques et raciales. Le Maroc est un bloc hétérogène qui recèle de multiples facettes politiques, religieuses, culturelles et bien sûr ethniques. Exactement comme peuvent l'être la Grande Bretagne ou encore l'Espagne. Merci donc à toi Bouchra et, espérons-le, à très bientôt Maddie!