Plus dure sera la chute…

Publié le 13 novembre 2009 par Hortensia

Belle jeune fille, ainsi t’élances-tu dans les bras de ta vie, à l’aube de ta vie de femme, à l’aube de ta vie d’étudiante. Le mur vient tout juste de tomber. Le glas vient à peine de sonner.
Le glas de ta virginité.
Le mur est tombé un soir de novembre. Tu l’as appris, tu t’es emplie de joie. Souviens-toi ! Ta première année d’étudiante ! Lorsque tu as appris que ce groupe d’étudiants se rendait à Berlin pour les vacances de Noël, tu les as rejoins. Voyage organisé par une association de la fac.
Signe ! Le temps a ses signes qui chantent avant de mourir. Berlin devait rénaître. Tu allais suivre cette émulation, ces spasmes, ces secousses, ces piolets, chacun planté en un recoin de ce long mur d’antan…

Tu t’y es rendue à la ex-future capitale ! Tu l’as découverte ce jour de décembre 1989, les mains gantées, le cuir sur le dos. Il faisait nuit horriblement tôt dans cette ville ouverte désormais. Souviens-toi ! Prémisse de ton devenir, Berlin l’enchanteresse, la ‘Gedächtniskirche’, cette église en ruines, symbole d’une rédemption déchue. N’est-ce pas là l’Allemagne reconstruite ? Avec en son coeur une ruine chrétienne dépecée? Le symbole d’une faute, le péché bombardé au seuil du pardon ? Berlin, l’éventrée en son corps de ville, ce poignard de béton allait être retiré dans la joie!

Tu as découvert ce Berlin littéraire, duquel tu ne connaissais ni la langue romantique ni la mode dramatique : du noir, du rouge, de l’excentricité (Red is not Dead) par -15 degrés, le piolet à la main, le sourire glacé, les dents qui claquent sous le froid, le coeur qui flambe sur la traversée du mur. Et ces odeurs de marrons poelés et de vin chaud, continuelles.

Qu’est-ce que vous rigoliez avec ta copine Béatrice, aussi folle que toi. Dans un souci de mémoriser à fond votre présent, vous avez vite oublié votre ‘groupe’ de français. Envolées les sorties entre connus. Emmurées les escapades touristiques. Vous aviez choisi l’immersion la plus totale, la plus berlinoise. Vous preniez l’enchanteresse à bras le corps. Et ses enchanteurs à corps et à coeurs !

Ce fut la fiesta dès le premier soir, dans cette discothèque… Le Far out !
Vous êtes allées loin, chacune son petit berlinois au bras et à l’âme, souviens toi ! Le tiens était allemand, blond, étudiant de 25 ans, tellement charmeur, tellement convoitant !
Tu l’as suivi jusqu’au bout de la nuit, jusqu’au bout de la semaine. Le mur était tombé, ainsi l’hymen. Du sang, des deux côtés de l’histoire.

Tu pensais vivre une fabuleuse histoire à deux, jetés dans dans le sort du destin, il n’y avait là que des griffes de séducteur, il n’y avait là qu’un présent, banal en cette saison historique.

Le dernier jour, la dernière heure, souviens-toi ! Tu as couru après le bus d’étudiants qui t’attendait encore un dernier quart d’heure. Un pas dans le bus vers la France. Souviens-toi cette dernière minute, les larmes plein les yeux, tu regardais à l’arrière le travelling berlinois défiler devant toi. Cette semaine avait été un coup de tambour en ton coeur, si jeune et si ployable. Le vrai mur, lui, gisait en morceaux fond de ton bagage. Pour la vie !

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