Chronique du lundi 16 novembre 2009
L’équipe de France s’est imposée de manière indiscutable face à l’Afrique du Sud ce vendredi. Les entraîneurs font de ce match leur meilleur match, celui qui doit servir de référence pour la suite. Je ne suis pas totalement convaincu que cela soit le cas. Explications.
Une victoire qui ne souffre aucune contestation, certes.
C’est vrai que la victoire française est probante pour 2 raisons principales : le fait qu’elle s’est faite au dépend de l’équipe championne du monde et par la capacité des français à s’imposer physiquement sur les phases de combat face à un adversaire dont c’est normalement le point fort. Les avants français ont su répondre présent tout au long de ce match et l’organisation défensive des bleus a permis de maîtriser les rares velléités d’attaques adverses. De ce côté-là, il y a vraiment de quoi être satisfait. Mais ce qui est le plus intéressant dans cette victoire, à mon avis, c’est qu’elle s’inscrit dans une continuité avec les victoires contre le Pays de Galles et la Nouvelle-Zélande cette saison. Car, en elle-même, cette victoire est moins significative qu’elle n’y parait. Pourquoi ? Tout simplement parce que les Sud-Africains n’ont été qu’une pale caricature de ce qu’ils étaient cet été. Avec ce système de tournées jouées en fin de saison pour les nations du sud et 2 semaines après la finale de la Currie Cup, le risque était de retrouver des joueurs Sud Africains émoussés et pas trop concentrés sur le sujet. C’est malheureusement ce qui s’est passé. Bien sur, si cela a été aussi criant en 2ième mi-temps, c’est tout à l’honneur des joueurs français qui ont fait le match parfait pour faire déjouer leur adversaire et qui, surtout, ont pris le dessus physiquement, ce qui laisse n’importe quel joueur Sud-Africain sans réponse car pas vraiment habitué à ce que cela arrive. Mais quand même. Quand on étudie le niveau faible de la touche Sud Africaine, ce vendredi, les lancers rase motte des 2 talonneurs Sud Africains et les sauts de puce de Matfield et Botha, là où normalement ceux-ci dominent leurs adversaires de la tête et des épaules, on se dit que l’on a eu qu’un pale ersatz de l’équipe qui dominait les Lions Britanniques en juin dernier. La preuve, c’est que quand la France a proposé un alignement compétitif avec Chabal, Millo-Chluski et Bonnaire en fin de match, elle s’est accaparée tous les ballons, empêchant toute possibilité de gagner le match pour leurs adversaires.
Quels sont les points positifs à ressortir de ce match ? D’abord et surtout le formidable engagement physique des joueurs tricolores qui ont su prendre le dessus individuellement et collectivement sur leurs adversaires. A cela, il faut ajouter l’excellente organisation collective, notamment dans les regroupements, car, sans elle, une telle domination n’aurait pas été possible. En même temps, comme les Sud-Africains n’ont jamais attaqué, difficile de dire que notre défense était infranchissable.
Ensuite, les observateurs ont mis en avant la domination de notre mêlée. Ce n’est pas aussi vrai que cela car il y a eu un ballon perdu en première mi-temps et, surtout, les Sud-Africains se sont retrouvés 2 fois 10 minutes à 14 joueurs soit 1 de moins en mêlée, ce qui relativise la performance. Ce qui m’a marqué dans la domination de fin de match des français, c’est que ceux-ci étaient plus frais que leurs adversaires, bravo aux préparateurs physiques des clubs, et, surtout, la rentrée de Sylvain Marconnet, qui est vraiment en forme en ce moment et qui est devenu une référence mondiale aussi au poste de pilier droit. En ce qui concerne la touche, ce qui a de rassurant, c’est que les français ont existé dans ce domaine alors que la 2ième ligne Millo-Chluski – Nallet n’est pas réellement taillée pour cela. C’est même à se dire qu’avec Sabastien Chabal d’entrée, associé à Romain Millo-Chluski et Imanol Harinordoquy, les français auraient pu vraiment dominer leurs adversaires dans ce domaine. Enfin pas besoin de parler de la 3ième ligne française, tellement celle-ci donne satisfaction, depuis un certain temps maintenant, et ce, quelles que soient les compositions d’équipe autour de Thierry Dusautoir.
Au niveau des trois-quarts, la véritable satisfaction est la performance de Julien Dupuy qui s’est comporté idéalement sur ce match, toujours capable de faire le bon choix et de dynamiser l’équipe quand c’est nécessaire ( pénalité jouée vite, départs au ras ). François Trinh-Duc a aussi été aussi un bon accélérateur, Maxime Mermoz prend ses marques en tant que futur patron de la ligne de trois-quarts, Yann David a montré que sa puissance pouvait être utile, Vincent Clerc qu’il est revenu proche de son meilleur niveau, Cédric Heymans qu’il est toujours là et Damien Traille qu’il peut faire un arrière de niveau international correct. C’est peut-être un peu lapidaire comme analyse mais c’est quand même plutôt réaliste. On peut ressortir des comportements individuels mais il n’y a pas vraiment de satisfaction globale possible. C’est de toute façon normal après un 1er match mais aussi et surtout parce que l’équipe était composée pour répondre aux caractéristiques de l’adversaire. Damien Traille est un des joueurs les plus en forme de ce début de saison mais il n’est certainement pas l’arrière idéal dans les schémas de jeu imaginés par Emile N’Tamack.
Un match qui s’inscrit dans une continuité.
Le match référence de l’équipe de France reste pour moi celui dans le Tournoi des VI Nations 2009 contre les Gallois. Même si l’équipe du poireau ne présente pas les mêmes références que l’Afrique du Sud, double championne du monde, elle était bien, ce jour-là, à son meilleur niveau physique et se présentait en possible double vainqueur du Grand Chelem, ce qui rendait la victoire d’autant plus difficile. Les français avaient, du coup, beaucoup moins de marge de manoeuvre. Ils avaient pourtant réussi à s’imposer en dominant physiquement leur adversaire et en étant suffisamment opportunistes pour concrétiser leurs actions et prendre les points. C’est tellement vrai d’ailleurs que l’on retrouve lors des victoires en Nouvelle Zélande et contre l’Afrique du Sud les mêmes caractéristiques : grosse densité physique, excellente organisation autour des avants et de la défense et opportunisme sur les quelques bons ballons d’attaque. 3 caractéristiques qui semblent représenter le code génétique de l’équipe façonnée par Marc Lièvremont, Emile N’Tamack et Didier Retière.
Etre capable, 3 fois dans la même saison, de réaliser ce type de performance est très encourageant pour l’encadrement de l’équipe de France et ce d’autant plus que des victoires face à des nations de l’hémisphère sud sont toujours bonnes pour le moral. Il y a une progression dans le niveau de l’équipe de France en 2009 avec, en plus des performances, une ossature forte qui commence à se dégager devant : Barcella – Servat – Mas- Marconnet – Millo-Chluski – Dusautoir – Harinordoquy – Ouedraogo et Picamoles. C’est important pour bâtir le socle fort de l’équipe, s’assurer une base de lancement de jeu performante et avoir la capacité de peser sur les rencontres. Derrière, c’est moins évident. Il y a bien sur la montée en puissance de Maxime Mermoz qui doit devenir le joueur incontournable autour duquel s’articule la ligne de trois-quarts. A ces côtés, Bastareaud parait le choix évident mais, malheureusement, les choses ne sont pas aussi simple que cela pour le centre Parisien. Sinon, certains joueurs progressent comme la charnière Dupuy – Trinh-Duc, même si tout reste ouvert avec, entre autres, Tillous-Borde et Beauxis. D’autres montrent qu’ils sont toujours là comme Clerc et Heymans. Médard doit se servir de la frustration de son statut de remplaçant contre l’Afrique du Sud pour rebondir et devenir la référence au poste d’arrière. Enfin Damien Traille doit trouver une position dans cette ligne qui permette de mettre son talent au service de cette équipe. Lui le premier sait que ce pourrait être à l’ouverture mais tant qu’il ne s’imposera pas dans son club pour jouer à ce poste…
Ce qui est sur c’est qu’il reste encore beaucoup de travail à l’encadrement de l’équipe de France mais, malheureusement, très peu de temps pour le faire pendant chaque saison. Néanmoins, des victoires comme celle contre l’Afrique du Sud ont cela de bien qu’elles montrent que la France est sur la bonne voie. Souhaitons maintenant que le prochain match contre la Nouvelle Zélande ne soit pas un coup d’arrêt mais une continuité pour finir l’année avec 4 matchs références et pas seulement 3. Du coup, il n’en manquera plus que 3 à ajouter pour prétendre à être champion du monde* !
* 4+3 = 7 soit les 7 matchs enchaînés de la poule de 5 jusqu’à la finale pendant la Coupe du Monde.