De Gaulle

Publié le 16 novembre 2009 par Christophefaurie

Que penser de De Gaulle? C’est une question que je me pose régulièrement depuis ma lecture de son interminable biographie par Jean Lacouture.

Visionnaire ou pendule arrêtée qui a marqué l’heure deux fois dans sa vie (2ème guerre mondiale, guerre d’Algérie) ? Ce qui m’a frappé dans ce livre, c’est que de Gaulle n’était pas un homme d’action. Dans les moments importants, il me semblait immobile. Il ne réussissait pas par ses actes décisifs, mais parce qu’il « était ».

À la réflexion, je me demande s'il n'avait pas l'obsession de garder une France unie. La constitution de la 5ème République avait pour but de mettre un terme aux querelles politiques d’avant guerre. Il n’y a pas eu d’épuration après guerre, pas de règlement de comptes, la France avait gagné et elle n’était faite que de héros. À nouveau durant la guerre d’Algérie, il évite la guerre civile.

Pourquoi, alors, a-t-il été abattu par 68 ? Par quelques jeunes hystériques, qui, en outre, avaient fini par se taire ?

Petit à petit, j’en suis venu à penser que les dirigeants d'après guerre, atterrés par l’égoïsme mesquin qui l’avait causée, avaient voulu construire un monde solidaire, « l’état providence ». Peut être pensaient-ils que l’homme ne serait plus occupé que de son intérêt matériel et oublierait de se haïr. 68 leur a démontré leur erreur. De cette première victoire Gauche et Droite (libéralisme financier) ont marché main dans la main pour mettre en pièce la société solidaire, unis dans leur médiocrité individualiste et dans leur haine réciproque.

Ce qui a abattu de Gaulle n’est-il pas là ? Il a compris que la nature de la France était de s’entredéchirer, et qu’il était impossible d’en faire une grande nation civilisée, qu’elle ne serait jamais que petitesse et mesquinerie, que le rêve de sa vie était une chimère ? Paradoxalement, c’est peut-être autant les contre manifestations de soutien, qui annonçaient l'affrontement gauche / droite, qui l’ont miné, que les manifestations gauchistes.

Les dirigeants occidentaux d’après guerre étaient sûrement des gens au grand cœur. D’ailleurs, il n’y a peut-être qu’une guerre qui puisse donner le pouvoir à de tels hommes. Mais on ne transforme pas l'humanité à son corps défendant, surtout lorsque l’on veut son bien. On ne peut pas changer sa nature contre sa volonté.

Il me semble que l'individu n’arrêtera de s’entrégorger que le jour où il comprendra que sa petite personne ne crée pas tout ce que le monde a de beau, et que le monde ne lui doit pas tout. Que ses semblables ne sont pas des parasites dont il faut se débarrasser. Qu’ils constituent la société et qu’il n’est rien sans la société. Que cette société est minée, justement, par son égoïsme-parasitisme (qu’il voit si bien chez les autres et si mal chez lui). Alors, il y a des chances que les institutions qu’il choisira de construire soient durables.

Compléments :

  • Une autre façon de formuler ce que dit ce billet est la suivante. Nous avons longtemps massacré ceux que nous pensions coupables. Puis, de l'après guerre à la crise actuelle, nous avons amnistié généreusement, la plupart des Nazis, leurs collaborateurs et délateurs aussi bien que les dirigeants de la finance mondiale. C'est un progrès : on ne peut pas punir une partie de la population sans que l'autre n'en souffre. Mais, si l'on fait comme si de rien n'était, comment éviter de recommencer ? La solution est de ne pas s'en prendre à l'homme, mais de réparer la société, qui a été victime d'un défaut collectif.
  • 68 : victoire de l’individualisme ?
  • Irving Kristol : 68 a été un coup d’envoi à la fois à gauche et à droite (en quelque sorte la gauche a fait signe à la droite qu’elle devait se mettre en mouvement) ?