Serait-ce une attaque sournoise de nos amis est-asiatiques à destination du marché (moribond) de la laine pour ménagère française dans le but d’éradiquer son fleuron, Bergère de France ? Hmm, notez que ça n’est pas volé. Les pulls en mohair jaunes avec des manches vertes, au maillage autant approximatif qu’irrégulier, fabriqués avec amour et gaucherie par mamie, y en a marre ! Ok le ridicule ne tue pas, mais je suis sûre que le pull en mohair si (mais plus lentement, beaucoup plus lentement). En plus ça gratte.
Mais revenons à nos moutons. Interloqué, j’entre. A l’intérieur, pas de bobines alignées et bien rangées par couleur. Pas d’aiguilles avec des gros embouts de plastique et des numéros dessus. Pas de vieille dame aux cheveux bleus, grosses lunettes et robe à fleur genre papier peint à la mode rurale.
Devant moi des tables, des clients, ils mangent paisiblement (et accessoirement ils s’en foutent partout). A gauche un genre de cuisine avec des marmittes pleines d’eau qui bout. La tricoteuse est devant, elle file, avec une dextérité de ninja, un pâton, jusqu’à obtention de pâtes fines et longues. Une espèce d’énorme écheveau de pâtes. Mais comment fait-elle ça ?
La tenancière s’approche de moi sans un mot. Elle me place. Elle a l’air autoritaire, je ne veux pas d’ennuis, je me laisse faire. Je lui lance : « qu’est-ce que vous me conseillez » ?
Elle commence à me parler, je comprends un mot sur deux. Elle a l’air de blaguer, je rigole en retour, je suis bien élevé.
J’arrive à peu près à comprendre qu’elle veut me faire goûter une spécialité locale. Je dis Banco ! Je vous l’ai déjà dit je suis un déglingo. Une instruction plus tard, un tricoteur en second attrape une boule de pâte toute neuve. Il se place au dessus de la bassine, saisi une lame de métal et commence à tailler dans la motte à la vitesse de l’éclair, avec des petits coups secs. un croisement entre Kung Fu et Don Patillo. Les pâtes tombent en pluie. Il faut voir ça au moins une fois dans sa vie !
Quelques minutes plus tard le tout me revient dans un grand bol avec une sauce brune et du boeuf. C’est parfumé, épicé, les pâtes sont al dente (je sais, ça fait bizarre de dire « al dente » pour des pâtes chinoises).
Bref, c’est simple mais c’est bon, ça respire l’authenticité. C’est de la cuisine de ménage, sans prétention. Le type a repris ses activités, la patronne est en pleine conversation avec d’autres gens qui sourient mais ne comprennent rien. Ils ont des tâches de sauce plein leur chemise. Le temps s’écoule avec simplicité. Je vais jeter tous les pulls de mamie.
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