Excusez-moi du peu, mais c’est quand même bien le bordel, et on aura du mal à y changer quelque chose… Tandis que les spectacles à petits budgets, théâtres, concerts, danse, gratuits ou payants, ont bien du mal à remplir le quart de leurs salles, voilà que des milliers de réunionnais se lèvent super tôt et se déplacent un 11 novembre, pour voir quoi ? L’A380, le plus gros suppositoire du monde, celui qu’on va s’enfiler en rêve pendant 5 ans, qui va nous faire accepter jusqu’en 2014 de payer (quand on peut) des prix exorbitants pour aller d’un département à un autre. Car tout ce qu’on en récolte, c’est rien de plus que l’espoir que ce gros navion va enfin nous faire baisser les tarifs pour la métropole, alors que rien n’est décidé concrètement (putain, 5 ans !) Encore un truc que Sarkozy a oublié de mentionner dans ses promesses hyper-ultramarines de la semaine dernière.
Tiens, en parlant de ces « promesses », (les mesures concrètes viendront sans doute, mais lesquelles, dans le tas ?) y’a pas eu un pirate piraté dans l’histoire ? Quand Le Pirate titre « Sarkozéro sur la Réunion » au lendemain du discours présidentiel, s’insurgeant sur le peu de Réunion présente dans un monde d’Antilles, et sur le vide des mesures évoquées, Le Quotidien balance en une : « Le catalogue du président » puis en deux : « Sarkozy dessine l’avenir de l’outre-mer ». Garde à vous, moussaillons, y’a du pain sur la Penchard, mais on va nous donner les moyens ! Tout le monde, Fedom, Adir, CCIR, chambre d’agriculture, a l’air plutôt content. En deux pages, le BTP n’est jamais mentionné. Le président de l’ADIR souligne quand même que « nous avons tous remarqué que les Antilles ont été très présentes (…) et la Réunion un peu moins ». Heureuse l’humeur en fond de papier de Jean-Noël Fortier, qui retient que les « mesures annoncées ont été plus nombreuses concernant les Antilles que la Réunion ». Et conclut amèrement que « les questions que posaient les manifestants du LKP et du Cospar restent d’actualité ». Normal, ils n’étaient plus invités…
On s’endort un peu, mais voilà que trois jours plus tard, mardi 10 Novembre, Le Quotidien se réveille et titre en haut de sa une : « Bilan des états généraux : Sarkozy a oublié la Réunion ». Tiens donc. Et de nous servir deux pages de révolte de l’hôtellerie et du BTP sur les oublis du président concernant la Réunion. Bref, un remake du coup de gueule du Pirate, un peu mieux garni, certes… L’article de Cédric Boulland se termine par « La toute nouvelle ministre de l’outre-mer sera-t-elle plus attentive à la situation réunionnaise que Nicolas Sarkozy la semaine dernière ? » Bien, gageons qu’elle le soit. On peut sans mal imaginer qu’elle se verra répondre par les hautes autorités : « La liste des mesures est dors et déjà écrite, Madame. Il ne tient qu’à vous de les faire appliquer, dans la mesure du possible qui vous sera accordée. Remettre des mesures en cause ou en enrichir la liste est au-delà de vos limites. Mesurez vos demandes de mesure, Madame, car si vous n’êtes pas en ligne avec le gouvernement, préférez le silence, ou la démission, à la discussion. » On sait bien à quoi sert un ministre, depuis deux ans et demi maintenant, alors qu’on a eu les années précédentes un ministre de l’intérieur qui remplaçait déjà le président et le premier ministre réunis…
Bref c’est bien le bordel, comme je vous dis, malheureusement c’est pas encore le Pirate ou n’importe quel autre informateur qui va changer la donne, vive la liberté de la presse, mais peu d’oreilles en sifflent vraiment. On aurait aimé vous dire que suite à l’article sur l’agression de Sainte-Suzanne, le parc du Bocage est devenu calme et respecté par tous grâce aux efforts de la mairie. Rassurez-vous, les skateurs pacifistes sont aujourd’hui toujours chassés à coups de bâtons par des jeunes mineurs qui auraient dû être interdits de séjour et suivis psychologiquement. On aurait aimé vous dire que suite aux pratiques douteuses du Crédit Moderne, divulguées dernièrement, celui-ci s’était excusé et changeait sa manière de voir les choses. Rassurez-vous, le Crédit Moderne et autres banques vont continuer à s’en foutre plein les fouilles sur le dos des pauvres. On aurait aimé vous dire que suite aux deux articles sur la quenelle en boîte que nous fait avaler ce brave Jean-Pierre Coffe dans des supermarchés aussi graveleux que les autres, celui-ci s’était remis en cause, et avait redonné tout le pognon gagné grâce à ses pubs mensongères aux restos du cœur. Au lieu de ça, à l’heure où j’écris, Jean-Pierre doit sûrement s’enfiler une bonne côte de bœuf première classe accompagnée d’un Pauillac millésimé, pendant que les lecteurs du Pirate en sont toujours à chercher LA recette du cari poulet…
A mon sens, il n’y a que le Canard Enchaîné qui, de temps en temps, fait remuer un peu les fesses d’un élu ou d’un pourri qu’il a bien gâté, obtient une réaction de rédemption, parfois même de rétractation, et puis la vie continue… Heureusement qu’il est là, le Canard, mais au-delà de ces quelques réactions, que fait-il d’autre, grâce à l’information, que constater les dégâts ?
Ah, mais si bien sûr, j’en ai les oreilles qui sifflent, ça me revient, François : des personnes concernées ont déjà réagi de manière bien virulente aux attaques du Pirate. Dites-moi les enfants, vous trouvez pas impensable que les seuls qui se réveillent sur ce site quand on leur dit leurs quatre vérités, ce sont des journalistes ? Ceux-là même qui sont au cœur du sujet « information », qui devraient s’allier contre ce qu’ils combattent tous au fond d’eux… En réalité toujours en quête de dénonciation provisoire, prêts à descendre leur famille de leur plume pour un scoop, toujours prêts à piquer le papier du voisin, ils sont donc les premiers à se vexer tout rouge quand on parle d’eux à la troisième personne ? Non, je sais par le peu de journalistes que je connais que ce n’est pas une généralité, mais c’est quand même, à l’instar du reste du monde, un repaire de requins, et je suis bien content de pas faire ce métier…
Bordel en boucle
Bref, digression à part, comme je vous le redis les amis, c’est toujours autant le bordel, et y’a qu’à constater les dégâts… Tant que les médias seront à la solde de grands pontes de la mauvaise blague, dirigeant des petits pions qui se tapent sur la gueule, on est pas avancés pour autant sur la véracité de ce qu’on nous balance. Enfin, surtout sur ce qu’on oublie de nous balancer… Et tant que le peuple boudera les salles de spectacles vivants et s’agglutinera, de bonne heure, un jour férié, appareil photo à la main, devant un avion qui ne représente rien d’autre à mes yeux que le délit d’initié de Mr Forgeard et tout ce que ça traîne comme impudeur, on sera mal en point pour que le navire humain se dirige vers des jours meilleurs. Prendre en photo un avion, comme des gamins, pour ensuite espérer monter dedans un jour, pour peut-être presque pas cher, pour espérer se revoir le soir même en décortiquant les infos, sur les deux chaines locales, qui te repassent pendant plus d’un quart d’heure, plus de la moitié du journal télévisé, les mini-interviews de ceux qui le trouvent immense, qui le voyaient plus imposant, qui sont venus de loin, qui en tout cas ne sont pas déçus du voyage, et qui savent qu’aux infos on pourra voir comment c’est dedans grâce à la télé. Ça tourne en boucle, c’est le bordel, ça me flingue une telle connerie. Je l’ai vu aussi l’avion, bien malgré moi, je passais par là vers 10 heures pour affaire personnelle, sans même savoir ce qu’il y avait là. J’ai vu des camions de flics, ça embouteillait de partout, et ça s’agglutinait, appareil photo en main. Alors au détour d’un rond point zone aéroportuaire, en me demandant ce qu’ils foutaient tous là, j’ai regardé curieusement et je l’ai aperçu. Je vous le donne en mille : il est pareil à la connerie de la planète, l’avion, pareil à Jean-Pierre Coffe, pareil aux promesses du président et à la couleuvre que tous les enfants du monde avalent tous les matins : il est GROS.
Arthur
Dessin Alain R., avec l'aimable autorisation d'Infos matin