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L’état ne se gère pas comme un ménage ?

Publié le 13 novembre 2009 par H16

« Franchement, hic, ce matin, en faisant une petite revue de presse, hic, histoire de digérer mon croissant, j’ai un peu avalé de travers et hic j’ai choppé un hoquet bien casse-pied hic.

_Fallait pas lire la presse.

_Là, pour une fois, elle n’est pas directement responsable. Hic. C’était un article sur le prochain grand hic grand emprunt que la France va lancer, tu sais, hic, le truc machin de Juppé, hic, celui de 1995, la grande grève et tout ça, hic, et Rocard, là, celui qui s’est déjà occupé de la Taxe Carbonhic.

_Il t’en faut peu pour choper le hoquet.

_Attends, je t’explhic. Là, tu vois, il s’agit pour le gouvernement de faire un méga-emprunt de trente-cinqhic milliards, pour relancer le bazar, qu’ils disent.

_Mais c’est très bien ! Grâce à cet emprunt, la France va repartir, c’est une évidence. D’ailleurs, Michel l’a bien dit : c’est un emprunt pour investir dans ce qui en a le plus besoin depuis des années ! C’est une évidence ! Et …

_Attends attends, c’est même pas le sujet ! En fait, y’a un hic, hic !

_Ah euh ?

_Ben oui : avec les finances qu’on a, je ne vois pas comment on peut emprunter à nouveau hic ! Quand on n’a plus d’argent et qu’on a déjà emprunté hic à fond les manettes, on doit arrêter les frais, à un moment…

_Mais attends, tu devrais le savoir, enfin ! Un état ne se gère pas comme un ménage, voyons ! L’état, il peut très bien emprunter beaucoup plus parce que tu comprends, il y a toute sa population derrière, voyons ! Mais surtout, l’argent dépensé l’est avec toute l’attention dont peut disposer l’Administration, puisqu’elle a à sa disposition des douzaines d’experts chevronnés qui ne font pas n’importe quoi n’importe comment ! C’est pas comme un ménage, j’te dis.

_Ah. Hic. »

Cependant, même si les déficits, c’est pas automatique, force est de constater que ces … trente dernières années, on n’a guère vu d’équilibre dans les budgets de l’Etat ou des collectivités.

L’état ne se gère pas comme un ménage ?

Alors que la crise commence à prendre en puissance, il est d’ailleurs piquant de constater l’étonnant parallèle qui existe entre la nature plutôt dépensière de certains Français, pour lesquels les impayés de crédits à la consommation augmentent dangereusement dernièrement, et les collectivités locales, qui sont actuellement de plus en plus dans le caca financier suite à des opérations douteuses sur des crédits risqués.

Il est d’ailleurs extrêmement comique de voir que ce sont les mêmes politiciens qui veulent donner des conseils de bonne gestion à des ménages surendettés alors que nos élus s’en donnent à cœur joie pour taper dans les caisses lorsqu’il s’agit de faire mousser le Champibulle et les petits fours.

Le parallèle s’arrête cependant là, et deux différences essentielles apparaissent qui permettent de très bien apprécier l’hypocrisie de ceux qui nous dirigent, et tout particulièrement ceux qui se sont le plus gavés de produits toxiques avant la crise et qu’on entend maintenant couiner violemment alors que la bise est venue…

D’une part, un ménage, lorsqu’il se retrouve dans des difficultés, passagères ou durables, de trésorerie, ne peut bien souvent compter que sur lui-même pour s’en sortir, et ne dispose très généralement pas de conseils avisés de fiscalistes chevronnés ou de malins comptables qui sauront débusquer les bonnes affaires, les placements juteux ou les manips légales permettant d’éviter le pire.

Ce n’est pas le cas des agglomérations qui pleurnichent devant leurs finances : alors qu’elles disposent de personnels précisément formés pour comprendre la fiscalité administrative complexe, qu’elles ont toute latitude pour s’appuyer sur des conseils (rémunérés), et qu’elles sont normalement gérées par des experts dont c’est, justement, le travail, elles se sont pourtant comportées comme ces familles impécunieuses qui, sans demander conseil ni tenter de s’en sortir, payent leurs découverts par des crédits, puis remboursent les crédits par de nouveaux montages, cavaleries plus dangereuses les unes que les autres.

Mieux : disposant de la force puisque sous le bouclier de l’état, elles n’assument en rien leur attitude désinvolte et … les voilà parties à décharger leur responsabilité sur des banques qui leur ont vendu ce qu’elles voulaient bien acheter, sachant – je le répète – qu’elles avaient en leur sein tout l’équipement nécessaire pour évaluer les risques qu’elles prenaient…

D’autre part, et c’est le plus grave, si les finances de ces collectivités se portent de moins en moins bien à mesure que les échéances des prêts se dénouent et que les positions hasardeuses se soldent par de cuisantes pertes, les élus qui sont, en dernier recours, responsables de ces placements, eux, ne s’en portent pas plus mal.

Ainsi, alors que Lille ou Saint-Etienne affichent des déficits dramatiques et qu’on se rapproche de la mise sous tutelle ou d’une faillite pure et simple, les maires de ces communes ou les responsables des collectivités locales qu’elles recouvrent n’ont pas de soucis financiers : eh oui, ces prêts toxiques, c’est avec l’argent des autres qu’ils ont été souscrits.

Et je parie que ces mêmes dirigeants et ces politiciens n’ont pas pris pour eux-même ces outils financiers complexes.

Autrement dit, si l’Etat ou les collectivités ne se gèrent pas comme un ménage, c’est bien parce qu’un ménage se gère avec prudence, en bon père de famille, alors que l’Etat ouvre toutes grandes les vannes du Trésor Public pour toutes les expérimentations foireuses qui, au final, ne porteront pas préjudices aux responsables.

On ne s’étonnera pas qu’on puisse en chopper un hoquet.


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