Au moment où Amazon étendait la commercialisation de son 'Kindle' [1] à une centaine de nouveaux pays hors USA, paraissait dans le Télérama de la mi-octobre un entretien d'Umberto Eco sur, entre autres sujets, la pérennité du livre papier.
A un tournant de l'histoire du livre où Google semble prêt à phagocyter une fraction du savoir de la planète, Eco, lui, plus que jamais réaffirme sa foi dans le livre, le vrai, fait de papier et de colle. Rien de mieux n'a encore été inventé pour lire que ce livre-là, celui qui dure une vie d'homme, celui qui a une odeur aussi, celui qu'on peut emmener sur une île déserte sans craindre, Robinson fraîchement naufragé, que la batterie ne vous lâche. Le livre est une invention aussi fondamentale que la roue. [2]
Même un écrivain comme François Bon, résolument tourné vers les nouvelles technologies comme ses deux sites [3] le prouvent, ne peut se dispenser d'emmener une valise entière de livres faits de papier alors qu'il possède un lecteur de livres électroniques dernier cri où il peut charger tout Balzac, tout Rabelais, tout… tout… tout…
Il dit d'ailleurs une chose passionnante à propos de son édition laminée, usée jusqu'à la corde des Illuminations qu'il consulte en priorité lorsqu'il doit retrouver quelque chose dans ce recueil : « Il y a un mystère du livre que l'on ne sait pas encore transporter nous dans le livre électronique ». C'est que le livre électronique ne permettra jamais d'être réellement feuilleté et d'offrir à notre préhension mentale cette matière qui nous est nécessaire. Il n'est qu'une imitation froide, désincarnée, plane et volatile du livre. Fait de matière, le livre c'est du temps, qui dans son usure même dit le compagnonnage privilégié avec le lecteur. Ce qu'aucune machine n'est capable de reproduire.
[1] Le kindle est un lecteur de livres électroniques capable comme un téléphone 3G de se connecter au net pour y récupérer du contenu. Seul problème pour l'instant, l'essentiel du catalogue proposé par le géant américain est en anglais. Apple semble lui aussi lorgner fermement sur le marché du livre électronique puisque la firme de Steve Jobs, bien que celui-ci le démente, pourrait frapper un grand coup avant l'été 2010 avec la mise sur le marché d'un lecteur de livres électronique en couleurs.
[2] L'entretien est accessible sur le site de Télérama.
[3] Remue.net et Le Tiers Livre