En ce neuvième jour de Festival Franco-Coréen du Film, le sexe était au cœur des débats, sous deux formes très différentes. La première, un documentaire sur la transsexualité, la seconde une comédie sur l’histoire d’amour entre un trentenaire et une quinquagénaire. Deux thèmes universels vus sous un angle coréen...
Le titre 3XFTM m’avait semblé bien énigmatique lorsqu’il y a quelques semaines, je découvrai le programme du FFCF. Non, il ne s’agit pas d’un remake coréen de THX1138 de George Lucas, mais bien du portrait croisé de trois femmes devenues hommes, en anglais « female to male », ou FTM.
Le sujet est assurément délicat mais non moins intéressant. Surtout au sein d’une société coréenne réputée pour être machiste. Comment donc sont acceptés les transsexuels là-bas ? La motivation de leur changement de sexe tient-elle aux mœurs qui caractérisent leur nation ? A travers ces trois personnes s’esquisse la difficulté d’insertion de ces hommes nés femmes. Des hommes qui vivent dans l’angoisse permanente d’être démasqués et rejetés, alors que le but même de leur opération est de se sentir enfin bien dans leur peau.
Un paradoxe qui montre le cheminement à parcourir pour eux, cheminement que se propose de suivre la réalisatrice. Elle le fait avec rigueur et liberté, et signe un documentaire au sujet fort. Pourtant il semble manquer quelque chose à 3XFTM. Si le thème est bien cerné, et les trois protagonistes suivis avec attention, un sentiment de répétition se fait vite jour. Le documentaire est long (près de deux heures), et semble souvent tourner quelque peu en boucle. La problématique est bien posée, les personnalités des hommes observés également, mais trop souvent le film paraît être une superposition de discours et situations se répétant. Il semble manquer un mouvement continuel, un véritable moteur qui permettrait d’aller plus loin encore dans la rencontre avec les trois protagonistes, et dans l’observation de la société qui en découlerait. Mais cela n’enlève rien à l’intérêt évident du sujet.
Le second film de la journée s’intitulait Viva ! Love. Un film qui annonce la couleur dans le titre : légèreté et amour se devinent, et se confirment vite. On ne peut pas dire que j’allais voir ce film de Oh Jeom Kyun avec de grandes espérances, peut-être en partie du fait de l’avis de mes amis de Made in Asie.
Force est pourtant de constater que j’ai pris un vrai plaisir à voir Viva ! Love. La protagoniste en est une quinquagénaire vivant avec son mari et sa fille, louant des chambres à des étudiants et gérant un nolaebang (le karaoké coréen) avec son époux. Lorsque sa fille laisse son fiancé sur le carreau et part sans crier gare, notre héroïne tombe peu à peu amoureuse de son ex-futur gendre, qui tombe lui aussi sous le charme de belle-maman. Lorsqu’elle tombe enceinte, le scandale se profile dans le quartier…
Non, Viva ! Love ne sera pas, en fin de festival, le petit bijou immanquable. Non, Viva ! Love ne fera pas non plus partie des grands films coréens dont je me souviendrai en priorité à la fin de l’année. Pourtant il y a quelque chose d’absolument charmant dans ce film. Il y a un cadre, cette vie de quartier conçue avec soin, avec ses personnages truculents et attachants auprès desquels on se sent vite bien. Il y a une mise en scène juste, qui n’en fait pas des tonnes dans sa mise en avant de l’humour et sait simplement le souligner avec sobriété.
Il y a surtout en toile de fond de vraies touches de sujets de société parvenant à poser la comédie dans un environnement moderne. Une époque où le chômage s’invite facilement à la fête, où les femmes osent chercher le bonheur pour elles-mêmes et ne se contentent pas de fermer les yeux sur le comportement adultère de leurs époux. Où celles-ci se mettent même à fricoter avec des hommes ayant quasiment l’âge d’être leur fils, ce fameux phénomène de la « femme cougar » dont la presse, les séries et les films aiment à s’emparer.
La réussite de Viva ! Love tient aussi dans la volonté du cinéaste de faire baigner son film dans une atmosphère quelque peu surréaliste, surtout à mesure que le scénario progresse. On peut même dire que le film choisit la fantasmagorie dans son épilogue. Un ton audacieux qui sied parfaitement à l’œuvre.
On en sort avec le sourire aux lèvres, ce même sourire qui ne nous a pas quittés tout au long du film. Un signe qui ne trompe pas.