Les tonnes d’éloquence compassionnelle et pleurnicharde sous lesquelles on ensevelit aujourd’hui la mémoire des combattants de la première guerre mondiale ont fini par m’exaspérer autant que me révoltaient les rodomontades à la Déroulède, débitées il y a cinquante ans par des patriotes de fin de banquet.
L’horreur de la guerre n’est pas plus soluble dans la niaiserie des bons sentiments que dans l’imbécillité nationaliste.
En faisant comme si, tout étant égal à tout, n’étaient tombées, dans les deux camps, que les victimes innocentes d’une folie dont, à vrai dire, on ne désigne jamais clairement les coupables, on transforme ces hommes en une grande masse passive et triste, perpétuellement dépassée par les événements.
Cette variété de pacifisme contemporain ne bêle pas, elle brait au sens classique du mot. Nul ne nie que la guerre soit une chose horrible et la première guerre mondiale a, de ce point de vue, repoussé les frontières de l’abomination.
Pourtant réduire ses combattants à n’être qu’une cohue indifférenciée de victimes, ne voir que leur misère et jamais leur bravoure, refuser de leur reconnaître ce que Marc Bloch , qui fut un des leurs, appelait une héroïque résignation, c’est leur nier ce dont ils furent, et dont nous devrions être encore, le plus fiers, leur courage et par conséquent une des plus belles parts de leur humanité.