Les habiles qui font la gauche qui monte, les Olivier
Ferrand et autres vendeurs de potion magique, unis en attelage à quelques chevaux de retour (Arnaud M.), ont un combat pour 2012 : les primaires.
On passera sur le cadeau fait à la droite : le PS va passer son temps à s'empoigner, resserrant les rangs de la droite, pendant que le reste de la gauche (qui prend de plus en plus d'ampleur)
refusera de se lier les mains dans une primaire inutile.
Les seuls gagnants de cette "opération primaires" sont les vendeurs de sondages et de e-democratie (de la Net-secouade à Opinion Way), qui vont pouvoir prolonger la période des festivités d'au
moins six mois (ce n'est pas pour rien que ces vendeurs de soupe souhaitent un déplafonnement des dépenses électorales. The show must go anywhere mais must go big). La politique spectacle y gagne
ce que... Ce qu'y perdra quoi d'ailleurs au juste ?
Ce qui y perdra, à terme, c'est sans doute la possibilité d'un débat politique fondé sur des idées et non sur des gueules, la possibilité de voir émerger des idées nouvelles plutôt que des têtes
remaquillées.
Le terme de l'évolution que souhaitent les tenants des primaires, c'est un bipartisme sclérosant, une lente extinction de la possibilité du moindre changement.
Quand deux partis sont assurés de tenir l'ensemble de l'échiquier politique, il leur suffit en effet de sélectionner régulièrement des vedettes télégéniques sans avoir à se libérer de leurs
clientèles ni à proposer d'idées nouvelles. Depuis un moment l'industrie tient le parti républicain pendant que la finances et le barreau tiennent le parti démocrate.
L'évolution normale du système des primaires c'est la situation américaine : un Obama déjà englué à peine élu, quasiment incapable de faire passer sa loi de sécurité sociale (il vient de faire
reculer le droit à l'IVG en échange de quelques voix pour assurer sa majorité), obligé bientôt de renvoyer 30 000 hommes en Afghanistan et bien en peine d'empêcher les banquiers de retourner à
leurs jeux pas interdits et même fort rémunérateurs.
Certes, le régime présidentiel américain est coupable de ces blocages tout autant que les primaires et le bipartisme auquel elles conduisent, mais on peut plaider que le tout va ensemble et que
laplupart des partisans des primaires sont également favorables sinon à un régime présidentiel à tout le moins à un rééquilibrage des pouvoirs du Parlement.
Comment puis-je être aussi sévère sur le régime politique américain, ce phare du monde ?
Il suffit de lire une chronique récente de Paul Krugman décrivant la victoire de la droite la plus réactionnaire au sein du
camp républicain (qui, historiquement, s'est constitué comme parti libéral au sens noble et politique du terme, et anti-esclavagiste). Les leaders du parti républicain viennent de cautionner une
réunion publique où des photos de Dachau étaient accompagnées de la légende suivante : "la sécurité sociale nazie". Tout en finesse. Ce que décrit Krugman est un état d'irresponsabilité
absolue : Sarah Palin, écrit-il, est plus une personnalité médiatique qu'une femme politique. Mais précisément, dans un pays où les primaires font l'élection, la prime est aux médias, pas au
citoyen soucieux de la chose politique. Les futurs présidentiables n'ont pas à jouer un jeu responsable (la responsabilité n'est pas souvent médiatique), ils n'ont qu'à occuper l'écran en attendant
que les dés leur soient favorables.
Si la droite spectaculaire et irresponsable l'emporte aux prochaines élections de mi-mandat, le pronostic de Krugman est sombre : the country could become effectively ungovernable in the midst
of an ongoing economic disaster. The point is that the takeover of the Republican Party by the irrational right is no laughing matter. Something unprecedented is happening here — and it’s very bad
for America.
*
Revenons chez nous. A rebours de l'organisation de primaires, il conviendrait qu'un(e) Premier secrétaire du PS élu par ses militants soit automatiquement et de fait le candidat pour les
présidentielles. Cela ne remplace pas d'autres réformes, mais c'en serait une utile. En attendant les quadra/quinquas du PS parient sur les primaires pour revenir au premier rang. Il y a fort à
craindre que ce soit pour mieux y assister au naufrage.