François Bon s'attaque à nos mythologies. Il a fait les Rolling Stones et Led Zeppelin. Il va faire Jimi Hendrix. Ici il fait Bob Dylan, ce qui est un moyen pour lui, comme pour ceux qui ont vécu à l'époque où Dylan était Dylan, de se retrouver eux-mêmes et d'esquisser un auto-portrait en utilisant les espoirs, les rêves et les icônes de jadis.
On apprend effectivement beaucoup sur Bon dans ce livre sur Bob. Peut-être plus que sur Dylan. Tout a été dit sur le personnage. Il n'y a pas de révélation possible mais, chez Bon, une nouvelle manière d'envisager les choses.
Il retravaille le portrait du génie, un caractère rebelle forcément, dur, calculateur peut-être, en même temps fermé sur lui-même et ouvert aux tendances de l'époque. Ce qui finit par lui donner cette aura planétaire et cette réputation de génie.
Mais il y a un prix à payer pour tout ça. Ou du moins Dylan en a payé un: la solitude, le mutisme, le never endig tour, les 14 maisons qu'il possède alors qu'il semble vivre dans une caravane posée sur sa gigantesque propriété de Californie...
Son ambition et son insatisfaction le poussent en avant, le font à chaque fois déplacer les lignes et prendre des virages quand on ne s'y attend pas. Le goût de l'urgence et de l'événement provoqué, dangereux, font qu'il ne répète pas avant un concert ni même avant les disques majeurs, montrant les accords aux musiciens quelques minutes avant de jouer, enregistrant deux prises seulement....
Mais le travail est antérieur. Dans la formation et l'écriture: apprendre par cœur toutes les chansons de Woodie Guthrie, passer son temps sur des machines à écrire... La lecture, l'influence des poètes ont donné à Dylan des moyens d'expression que n'ont pas les autres folk-singers de l'époque (et ils abondent, on voit chez Bon que Dylan n'est pas une génération spontanée)...
Cette belle biographie terminée, tout le mystère reste entier. On veut réécouter les disques, on a plongé dans une époque, on a tourné autour d'un personnage sombre, habité, perdu. Décortiquer a posteriori les raisons de telles paroles, les influences de telle musique est possible.
Mais ce qui échappe toujours, c'est le moment de la décision, et son moteur: ce qu'on appelle la création.
François Bon, Bob Dylan, une biographie, Le livre de poche