Ceux qui aiment la force des symboles ont été servis ce 11 novembre. 25 ans après le geste fort du Chancelier Kohl et du Président Mitterrand à Douaumont, leurs successeurs respectifs ont transformé une commémoration militaire en célébration de l’amitié franco-allemande. La disparition du dernier survivant de la Grande Guerre était sans doute la condition nécessaire pour permettre la présence de la Chancelière d’une Allemagne réunifiée sous l’Arc de Triomphe. Rarement pourtant, le contraste entre les deux pays n’aura été aussi grand.
D’un côté du Rhin une France mal dans ses baskets, morose, nostalgique, enfermée dans le doute et dans son passé et, de l’autre, une Allemagne optimiste, rayonnante qui croit en son avenir dans le grand ensemble européen.
Nicolas Sarkozy rêvait de l’Ouest, de la Grande-Bretagne et à travers elle des Etats-Unis. Le voilà contraint de se retourner vers l’Est, de mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs pour redémarrer le moteur Franco-Allemand. Un vieux diesel à deux temps mais si efficace pour accomplir de grandes choses. Les deux pays à eux seuls représentent 48% du PIB de l’Union européenne et constituent de fait son vrai socle.
Depuis vingt ans pourtant, effet collatéral de la chute du mur, les chemins des sociétés allemande et française ont divergé. Mais, comme dans un ménage dans lequel la passion du début à cédé la place à la morne indifférence, l’amour à l’amitié, il faut bien gérer ensemble l’intendance. La raison d’Etat a pris le pas sur des personnalités que tout oppose. Le temps est désormais à l’Entente forcée. Alors que le centre de gravité du monde s’est incontestablement déplacé vers l’Asie, la vieille Europe est confrontée à la loi Darwinienne de s’adapter ou de disparaître.
Ce 11 novembre, le courage était surtout Allemand. Angéla Merkel, et avec elle ses concitoyens, ne fuient pas leur passé. Ils ont choisi de l’assumer pleinement. A la France de saisir cette chance, de s’en inspirer aussi au moment où elle s’interroge à tort sur son identité nationale quand il s’agirait plutôt de redéfinir son pacte républicain. “Dénommer mal les choses, c’est ajouter au malheur du monde” prévenait Albert Camus. Comme le rappelle Jean-Marie Colombani dans Slate.fr, ” l’identité est d’abord forgée par la façon dont on enseigne et dont on assume l’Histoire“.
Si identité il y a à trouver, c’est à l’échelle européenne. Au concept identitaire aux relents nauséabonds on préférera celui d’émergence d’une conscience et d’une âme européenne autour de la détermination d’une communauté de destin mais aussi de culture et de valeurs.
Sur ce vieux continent qui a connu tant de guerres, l’édition 2009 de la commémoration du 11 Novembre marque un tournant dans la mesure où elle entérine le fait qu’il est temps de trouver d’autres arguments à la construction européenne que celui d’avoir créé un espace de paix. Après l’élargissement sans fin, le temps est venu de l’approfondissement avec une diplomatie, une politique industrielle ou une gouvernance économique communes.
A Nicolas Sarkozy l’agité de mettre les coups de bélier dans les murs de l’immobilisme. A Angela Merkel la laborieuse de rassurer et d’ordonner. De prouver également qu’en se remontant les manches, il est possible de rendre l’avenir désirable.
A cet égard, François Hollande voit juste lorsqu’il écrit “Ce serait en effet un comble que l’accomplissement d’une utopie, celle d’une grande confédération européenne, capable de surmonter les conflits des siècles précédents, d’effacer Yalta, et de consacrer le rêve de la paix, s’achève sur des actes notariés, des accords de boutiques, des modes de gestion à la petite semaine, bref sur un clapotis de l’Histoire”.