Madame Mère m'a souvent incitée à lire "Journal à quatre mains" mais ça ne me tentait pas du tout...
Oui, je sais, je parlais sans savoir et on ne devrait jamais dire sans savoir !
Ok, bon, ben, maintenant que j'ai lu l'autobiographie de Benoîte Groult, je n'ai qu'une idée me procurer le fameux "Journal à quatre mains" écrit avec sa soeur Flora...
Donc, pour en revenir à "Mon évasion", il s'agit de la vie et des combats de Benoîte Groult.
Le style est vif, enlevé, soutenu mais agréable.
Cette dame a la même fringance que les jeunes péronelles à qui elle s'adresse parfois (et même sans doute plus !), la sagesse de l'expérience, l'intelligence de l'humaniste, le destin d'une héroïne de roman...
Vous vous souvenez de la Choupette de la Boum (Denise Grey) ?
En lisant ce livre, j'ai eu l'impression de me retrouver un peu face au même type de personne mais ce n'est pas un personnage de fiction. C'est un être de chair, de sang et d'émotions, d'une culture que plus d'un pourrait envier, d'une modernité de réflexion assez improbable pour une personne de son âge (mais est-ce vraiment son âge que celui qui est marqué sur son extrait de naissance ?).
Elle nous dévoile l'épopée de son existence avec un humour phénoménal et en analyse les étapes avec une clairvoyance et une perspicacité peu communes.
Nièce de Paul Poiret, filleule de Marie Laurencin, élevée dans une famille assez peu conformiste pour l'époque (dans laquelle Madame réussit sa carrière professionnelle et où Monsieur encourage ses filles à être des bas-bleus), Benoîte Groult traverse les quatre cinquièmes du XXè siècle, fidèle à son caractère, à ses aspirations, constatant ses erreurs et apprenant d'elles.
Elle raconte avec amour ses trois mariages, ses trois filles, ses petites-filles, la pêche et sa Bretagne. Elle constate sans jamais mordre. Elle se réjouit avec l'âme d'une enfant.
Elle raconte aussi ses espoirs, ses rebellions, ses combats avec conviction, avec passion avec toute la réflexion de son immense intelligence.
On a envie qu'elle nous fasse une petite place au coin du feu pour l'écouter nous expliquer la vie, les gens, l'amour avec sa gouaille et son humanité...
Elle ne se définit pas comme une révolutionnaire, comme une combattante. Finalement, elle raconte sans doute la vie qui pourrait être celle de millions de femmes sauf qu'elle a su en faire une vie extraordinaire, une vie de conviction, une vie d'amour et une vie de rebellion...
Elle parle, forcément, de son féminisme (de façon plus ou moins diffuse tout le long du livre et sur un chapitre, de façon profonde et engagée) mais, contrairement à Gisèle Halimi, elle ne le fait pas sur le mode revanchard, extrémiste et aigri. Non, elle explique avec force mais sans agressivité ses points de vue, ses convictions profondes et ça change tout !
Je ne suis pas forcément d'accord avec tout (une fois encore) mais, même dans ces cas là, elle m'a incité à réfléchir à mon point de vue, à nuancer mes jugements alors qu'une Halimi aurait pu réussir à me faire rejeter en bloc même les causes auxquelles j'étais acquise tant son agressivité et son extrémisme étaient gênants et outranciers...
Bref, ce n'est absolument pas un livre sur le féminisme mais, à coup sûr, c'est un livre qui raconte merveilleusement une femme d'une féminité absolue qui a traversé des épreuves et des victoires pour elle et pour les autres. Une femme lumineuse et brillante !
Zazate était peut-être la chrysalide d'une Benoîte, papillon multicolore et sublime...
" Tant que je saurai où demeurer, tant que je serai accueillie en arrivant par le sourire de mes jardins, tant que j'éprouverai si fort le goût de retourner et non celui de fuir ; tant que la terre n'aura perdu aucune de ses couleurs, ni la mer de sa chère amertume, ni les hommes de leur étrangeté, ni l'écriture et la lecture de leurs attraits ; tant que mes enfants me ramèneront aux racines de l'amour, la mort ne pourra que se taire. Moi vivante, elle ne parviendra pas à m'atteindre."
Merci Madame l'écrivaine !
A bientôt !
La Papote