Samedi soir, fin octobre, il fait juste froid et un crachin humidifie poisseusement le visage à la sortie du métro bondé.
20h04 : Arrivée à ce bar qui porte bien son nom – sans conviction puisque je ne le connaissais alors pas. Rencontre avec le chanteur des Zoreilles, le batteur est à la bourre donc eux aussi. Pas bien grave, à 2 euros le demi on a le temps de se mettre mal pour pas cher.
Finalement toujours pas de batteur, le groupe se décide à entrer tout de même en scène – comprenez par là les 3 m² à l’entrée du rade – le guitariste se colle au micro, le bassiste se bat pour ne pas se faire bousculer le manche à chaque fois qu’un quidam passe le seuil de la porte et la violoncelliste se glisse tant bien que mal entre la vitre glaciale et l’ampli beuglant.
1er bière déjà vide, j’en reprends une alors que les premières notes glissent dans l’air. L’ambiance est au spleen même si une grande fraternité réchauffe l’atmosphère, et la musique s’y colle parfaitement. Les Zoreilles dehors et leur savant mélange de blues freestyle aux accents funk et délavage grunch d’un rock français moribond. Appelez-ça comme vous voulez. Pour moi, leurs mélodies fleurent bon le rouge qui tache collé au fond du verre à pied, le mégot flottant au fond de la Kro à moitié vide et la migraine qui résiste vaillamment aux assauts d’efferalgan®.
5ème bière, le batteur apporte enfin la dimension – le petit chouilla en rythme – qui manquait pour guider nos mouvements de têtes enivrées. Imprégné d’un mal être où l’on se complais au final pas si mal, j’observe le parcours des doigts du chanteur sur les cordes du manche et je me résous : je ne serais donc jamais un bon guitariste. Qu’à cela ne tienne, je travaillerai ma voix pour me la jouer Mano Solo moi aussi.
On ressort même pas tard, un brun alcoolisé pas que par ses airs qui en mettent finalement tant d’autres à l’amende. Et on aime surtout savoir qu’il existe encore des groupes français presque anonymes qui ont su parcourir plusieurs décennies sans prétention mais avec un talent croissant et une musicalité à vous faire replonger dans un Paris qui ne crevait pas l’ennuie en cuvant douloureusement aux aurores.
Mais le crachin reprend de plus belle, le vent souffle, j’ai froid, je rentre mes oreilles, dehors.
Ecoutez-les sur Myspace et allez les voir en concert