(L'enfer des sables)
"Le livre de Mahamadou SY a ceci de singulier que le récit circonstancié des faits qu'il relate en ralentit d'entrée de jeu la lecture. Non pas que le précieux témoignage oculaire de SY, rescapé miraculé d'un camp d'extermination de «Négro-Mauritaniens», ne vaille pas la peine d’être lu. C'est que les actes de barbarie décrits, à nuls autres pareils, ont trop mauvaise haleine pour tenir en haleine la curiosité du lecteur qui, au bout de quelques pages, est bien obligé, sinon d'arrêter définitivement sa lecture, du moins de la suspendre : une réaction naturelle à la lecture de faits qui relèvent du MAL ABSOLU, que seule est capable de commettre la plus basse extraction humaine. En l'Homme cohabitent, en effet, de manière antithétique LA SUBLIME VERTU et le PLUS IGNOBLE VICE :
«Très certainement, Nous avons créé l'homme en la plus belle stature. Ensuite, Nous l'avons renvoyé au plus bas des bas», souligne le coran.
«laqad khalaqnâ al-insâna fî ahsani taqwîmine soumma radadnâhou asfala sâfilîna», (sourate : at-tîni ; versets : 3 et 4).
Ce qui donne des sueurs froides au lecteur et le révulse, c'est autant l'outrance de bourreaux illuminés et obnubilés par leur religion haineuse qu'un certain outrage à l'HUMANITE : déshumanisation des prisonniers que la féroce bestialité des tortionnaires désigne comme des victimes expiatoires d'un massacre justifié au nom d'une certaine mystique ethnique et nationaliste de «l'hominis arabis» ; déshumanisation des bourreaux eux-mêmes, abêtis et avilis par leur haine irrémissible et dégradante.
Il ne s'agit pourtant pas d'une oeuvre de fiction dans la veine des «cercles infernaux» dantesques, où le sadisme le dispute à la cruauté. Encore que les hôtes de Pluton (Dieu des enfers) chez Dante sont châtiés après leur mort et pour leurs péchés dans l'ici-bas. Ce dont se fait du reste l'écho le coran : «Puis, ce jour-là, on ne manquera à personne. Et vous ne serez payés que de ce que vous oeuvriez»
«fal yawma lâ touzlamou nafsoune chay'ane fa lâ toujzawna illâ mâ kountoume ta 'maloûna» (sourate 36, yâssîne; verset : 54).
Il ne s'agit pas non plus d'un récit de la « Jâhiliyya ﻟﺠﺎﻫﻟﻴﺔ ﺍ », l’époque anté-islamique considérée avec dédain par les musulmans. Encore qu'à cette époque, l'éthique chevaleresque du Bédouin de l'Arabie reposait sur le «mouroû'a ﻤﺮﻮﺀﺓ» (sens de l’honneur ; virilité) qui exclut tout acte de lâcheté, le «hilm ﺣﻟﻡ » (maîtrise de soi ; mansuétude) qui exclut toute infamie et le «zarf ﻇﺮﻒ » (Courtoisie ; finesse d’esprit), qui est aux antipodes de la sauvagerie des bourreaux que nous décrit Mahamadou SY.
Il ne s'agit rien de plus que de notre Mauritanie contemporaine régentée par une engeance infecte...
qui a pour noms Sidi Ahmed Ould Boïlil, Cheikh Ould Mohamed Salah, Sidi Ould Néma, Ely Ould Dah, Ely Ould Ahamad, Rava Ould Seyid, Ould Demba, Yezide Ould Moulaye, Khatra Ould Mohamed Aghib, Souleymane Ould Eleyatt, Mohamed Ould Sidi, Sidina Ould Bouya, Tourad Ould Abd Samed et autre ramassis de vandales sans foi, ni loi, qui sont les rouages d'un système prétorien incarné par Ould Taya :
Nous sommes au mois de septembre 1990. Déjà à Boghé, dans le sud de la Mauritanie, l'épuration ethnique bat son plein. Mahamadou SY, l'auteur de L'enfer d'Inal, avait, un an auparavant, eu vent d'une imminente extermination des militaires «négro-Mauritaniens.» Le soldat qui lui avait donné cette information avait «un jour entendu le lieutenant Mahfoudh dit Deuf, de la première région militaire, à Nouadhibou, faire des confidences à un autre officier maure (....) le soldat était sous un véhicule pour un petit bricolage. Le lieutenant avait entraîné son collègue à côté du véhicule et dit au cours d'une conversation : «pour les militaires kwars [«Négro-Mauritaniens»], ce sera l'année prochaine ; après, il n'y en aura plus.»
Toujours est-il que lorsque l'on arrête Mahamadou SY le 10 novembre 1990 à la Gerra à environ 8 km de Nouadhibou, qu'on le conduit à Wajeha, (à 12 km), puis à Inal (à 255 km de la capitale économique), la perspective d'un crime planifié et organisé à une large échelle ne lui effleure pas encore l'esprit : «je suis loin de me douter que le pouvoir mauritanien a tout simplement décidé de passer à la vitesse supérieure dans sa politique d'épuration ethnique du pays et que je vis ici les premiers moments de ce qu'on a appelé, en d'autres temps et sous d'autres cieux [l'Allemagne nazie], «la solution finale.». J'ignore aussi qu'en ce moment même toutes les casernes militaires du pays sont transformées en camps de concentration.» page : 46.
Pas même le suicide prémonitoire du sergent-chef Mamadou Samba SY peu avant les arrestations des militaires «Négro-Mauritaniens» ne lui met la puce à l'oreille. Le sous-officier, qui aurait vraisemblablement surpris ses chefs s'entretenir de leurs imminents forfaits éhontés, meurt en laissant un mot, dont le sens était à peine énigmatique : «Je préfère mourir plutôt que de me laisser persécuter par des chiens.»
Cependant, très vite, Mahamadou SY prend les choses à leur juste mesure. Traité sans ménagement par des soldats qui le somment d'enlever son «ceinturon», ses «épaulettes» et ses «rangers», il est solidement attaché et roué de coups, avant d'être embarqué manu militari dans un camion, les yeux bandés : «je suis littéralement soulevé de terre et jeté dans un camion où j'atterris sur d'autres militaires ficelés comme moi (...) Nous sommes entassés les uns sur les autres et serrés comme des sardines et n'avons aucune idée de notre destination. Les gardiens nous tabassent tout le long du parcours. Je commence à me faire une idée précise de ce qui nous attend. Deux ou trois fois, le camion s'arrête pour embarquer d'autres prisonniers ou pour permettre aux gardiens de se débarrasser de cadavres de prisonniers morts asphyxiés sous le poids de leurs camarades. Nous ne voyons rien et par conséquent ne pouvons savoir avec exactitude de qui il s'agit. Une fois, je sens contre mon pied le contact froid d'un corps qu'on tire.» page : 21.
Arrivés à Inal, le ton est donné dès l'abord par une vile créature, le capitaine Sidina Ould Bouya, dont les propos sans ambages édifient les prisonniers sur le véritable mobile de leur arrestation : «Sales Juifs, on vous aura tous ; même vos médecins seront là demain, tous vos cadres seront ici, pas un de vous ne restera dans l'armée !»
Coupables seulement d'être nés «Négro-Mauritaniens» (c'est-à-dire «sales Juifs»), on ne s'embarrasse pas de scrupules pour échafauder des chefs d'accusation aussi grotesques que ridicules contre eux :
- Au médecin capitaine KANE Hamedine il est «reproché de détenir dans l'armoire à médicaments de son bureau, comme tous les médecins du monde, un produit dont le flacon porte la mention «dangereux» (!!)
- Quant au «vieux Dem», «septuagénaire édenté», vendeur de cure-dents au marché de la capitale, on lui reproche d'avoir voulu fomenter un coup d'Etat ; or, rétorque-t-il amer : «moi faire un coup d'Etat ! Je n'ai plus qu'une seule dent et ne peux même plus faire peur à un morceau de pain.» (page : 63)
- «Certains prisonniers civils n'ont même pas été interrogés. Ils ont simplement été arrêtés, torturés et conduits ici. Bien sûr, ils ont signé les papiers qui leur ont été présentés, sans plus. C'est seulement maintenant qu'ils se demandent ce que pouvaient bien contenir ces feuilles. Ils ne savent ni lire, ni écrire.» (page : 163 )
- les accusations formulées contre les militaires sont également un jeu de dupes. Certains sont accusés d'avoir voulu «marabouter» le colonel Ould BOÏLIL, d'autres d'entretenir des relations avec les FLAM (Forces de libération Africaine de Mauritanie) etc.
- Mahamadou SY, l'auteur du livre, est accusé, pour sa part, d'avoir protégé des Sénégalais lors des événements sanglants d'avril 1989 et parlé leur langue, le wolof ( !!) : «J'étais loin de me douter que le fait de parler aux gens dans leur langue ou de ne pas les torturer représente une faute grave aux yeux de mes chefs. Aujourd'hui, un an et six mois après, le lieutenant Yezid me le sort comme chef d'accusation. Je suis en train de payer pour la souffrance que je n'ai pas su infliger aux autres.» ( !!) page : 44.
L'enjeu de la qualification juridique des crimes, imputés à tort aux inculpés, est donc, comme nous le constatons, d'abord sémiologique. Pour que le massacre des Négro-mauritaniens eût une LEGITIMITE ABSOLUE, il fallait restructurer le réel, donner aux signes un nouveau contenu : d'où la judaïsation des victimes. La « conscience de soi » (cf HEGEL) des bourreaux, pour avoir bonne conscience au contact avec l'altérité, l'investit d'un nouveau signifié- la judaïté -, lourd de toute la sédimentation anti-sémite qui formate le nationaliste arabe de quelques esprits obtus et haineux.
Ce maladroit tour d'illusionnisme sémiologique jette sans doute de la poudre aux yeux de ceux qui ont besoin d'avoir une solidarité ethnique ou «organique» avec les bourreaux ; mais, il faut plus qu'une rhétorique de prestidigitateur pour trouver en l'opinion internationale ou en tout homme sensé le dindon de cette farce, qui a été démasquée sous d'autres cieux.
La légitimité du massacre des Négro-mauritaniens sanctifiée (acte 1), les bourreaux, qui saisis par une délectation morbide, qui par une haine inextinguible, commettent à qui mieux mieux des actes de sauvagerie (acte 2) : peu importe que ce que les bourreaux considèrent comme des « titres de gloire » («al-mafâkhir ﻣﻓﺎﺨﺮ ») soient plutôt des « titres d'ignominie »
(«al-massâlib ﻤﺛﺎﻠﺐ »)
De même les tortionnaires, en postulant une altérité religieuse dépréciée, développent une attitude appropriative du DIVIN, de même leurs victimes, comme mues par un élan de repossession de leur identité islamique niée, impriment leurs actes d'un sceau religieux (acte 3) : «nous essayons d'organiser et de meubler le temps. La prière constitue notre occupation primordiale, souligne Mahamadou SY. Sow Ibrahima fait office d'imam. Il préside les prières collectives, tandis que Sall Amadou Elhadj s'occupe de la traduction du coran et des hadiths. Les prières se poursuivent très tard dans la nuit.» (page : 86)
Mais, comme nous l'avons souligné, entre les bourreaux et les victimes, il y a un fatal dialogue de sourds basé sur l'abêtissement, la négation de l'être des prisonniers en tant qu'HOMMES. Aussi, les bourreaux n'ont-ils cure des jérémiades de «Sales Juifs», dussent-ils invoquer Allah : «Il en est de ceux ont été chargés de la Thora, puis ne l'ont pas portée, comme de l'âne qui porterait des livres».
«massalou al-lazîna houmiloû at-tawrêta soumma lam yahmiloû hâ kamassali al-himâri yahmilou asfârâ.» (sourate : al-joumou 'a , 62 ; verset :5)
On comprend alors cette rage hystérique qui normalise la violence, mais qui est naturellement étrangère à l'éthique de l'homme policé : «Des autres baraquements à ma gauche montent d'autres cris. Une des ces voix répète sans cesse «lâ illaha illa Allah (il n'y a de dieu qu'allah) Cette formule semble attiser la colère de son tortionnaire, elle est ponctuée de gémissements consécutifs aux coups que reçoit la victime. Le tortionnaire veut imposer le silence à sa victime, celle-ci invoque l'aide divine.» (page : 34)
Dès lors, le contact, brutal, avec le hassaniyya (dialecte arabe et langue des geôliers) n'est pas placé sous de bons auspices. Les pensionnaires des camps d’extermination, locuteurs maternels d'autres langues, apprennent bien vite, selon une pédagogie (la torture), dont ils eussent volontiers voulu être exemptés, un vocabulaire arabe décliné sur le mode injonctif de l'impératif et qui ressortit au champ lexical de la haine : «vreikh !», «roud !» ; «amlouh !»
Cependant, la langue arabe trouve grâce aux yeux des prisonniers en butte à la bestialité de leurs geôliers. Leur foi religieuse névrotique fait l'amalgame entre un accessoire phonétique (problèmes liés à la prononciation des versets coraniques, inhérents à l'articulation des arabophones non maternels) et la foi véritable. Ainsi, entendant un conciliabule de soldats qui voulaient convenir d'une heure précise pour attenter à sa vie, Mahamadou SY vit phonétiquement sa plénitude islamique : "ils se donnent rendez-vous pour une heure du matin (...) Rien n'a plus d'importance. M'appliquer dans la prononciation des versets et veiller à ne pas les déformer sont mes soucis du moment. Je me prépare à la mort. Ils peuvent venir maintenant s'ils veulent, je suis déjà prêt." (page:80)
Sans doute faut-il toujours s'ingénier à prononcer correctement les langues que l’on apprend ou que l’on parle; mais, il est de notoriété publique que la tendance générale, lorsque qu'on parle une langue étrangère, est de remettre involontairement en cause certaines de ses distinctions phonologiques: ce n'est pas pour rien que les Arabes appellent leur langue "loughghatou ad-dâd", du nom d'un « d» emphatique vélarisé, [ ﺾ ], qui est un vrai casse-tête phonétique pour les étrangers. D'ailleurs, la dialectologie de l'arabe révèle que ce son est réalisé comme une interdentale sonore ("az-zâ'ou" ﻇ ) dans certaines parties du monde arabe (Tunisie, par exemple.)
Plus qu'un banal problème phonétique, il s'agit d'un sentiment plus général de "diminution" de soi devant le CIVILISATEUR «BLANC», dont la superstructure totalitaire est sublimée par le NOIR: c'est le phénomène de "lactification du monde" que décrit brillamment Frantz FANON.
A cette pathologique "rétraction" du moi du dominé, dont la conscience est inhibée par des rapports de force historiques aliénants, un seul antidote : "conscienciser l'inconscient" de l'aliéné, selon Fanon. Il s'agirait, pour le Négro-mauritanien qui considère l'islam comme "un horizon indépassable", d'ETRE L'AUTRE en RESTANT SOI; plus précisément, de RESTER SOI en ETANT L'AUTRE de manière contingente. Il faut, en somme, avoir un regard ironique salutaire. SENGHOR, chantre et théoricien de "Négritude et arabité", "Négritude et Normandité", etc., dirait: "assimiler, non être assimilés."
Ce hiatus entre l'attitude centripète des prisonniers en quête permanente d'une référence centrale commune (ALLAH) et celle, centrifuge, des bourreaux qui les en bannissent, a partie liée aux travers de certains "Seigneurs du Désert", que le Coran ne stigmatise guère moins que par un superlatif: «Les Bédouins sont les plus forts en mécréance et en hypocrisie, les plus propres aussi à méconnaître les bornes dans ce que Dieu fait descendre sur son messager.»
"al'a'râbou achaddou koufrane wa nifâqane wa ajdarou 'allâ ya'lamoû houdoûda mâ 'anzala al-lâh 'alâ rassoûlihî". ( Sourate at-tawba, numéro 9, verset 97)
Lorsque cette perdition se double chez le bédouin de fraîche date d'une crise identitaire, la classification, entre la race humaine et celle des camélidés, est étonnamment brouillée. Ainsi, chamelier impénitent devant l'ETERNEL, Ould Demba attache Mahamadou SY comme un dromadaire, tel qu'il le tient de ses maîtres: "Cela ne m'exempte bien entendu pas de ma séance d'étranglement par le caporal. Je suis ensuite couché sur le ventre, pieds et mains reliés dans le dos. Le caporal Ould Demba serre les noeuds du mieux qu'il peut et dit: "c'est comme ça que j'ai appris à attacher les chameaux récalcitrants." Ils s'en vont satisfaits de leur travail. Les cordes sont si serrées, qu'en quelques minutes le sang ne circule plus dans mes veines et mes pieds. La douleur est si insupportable que je ne tarde pas à crier de toutes mes forces. (...) [Le sous-officier Jemal Ould Moïlid] ordonne cependant qu'on me les desserre (...) Je viens, sans le savoir, d'échapper à une mort lente, mais certaine." (pages:58-59)
Déboussolé à cause des errements sanguinaires des bourreaux, le lecteur "perd un peu de son arabe" et arrête net sa lecture: "On m'asperge d'eau sale et puante. J'entends un moteur tourner et sens un goût âcre de fumée de gasoil au fond de ma gorge. Le camion, une Mercedes type 11/13, se met à rouler. J'essaie de suivre en courant, mais cela ne peut durer longtemps avec des pieds enchaînés et qu'en plus il faut courir à reculons. J'ai le dos tourné au camion et ne tarde pas à être traîné (...) Je suis redressé et attaché à la portière arrière du camion." (page : 95)
Mahamadou SY vient d'échapper encore miraculeusement à "une mort certaine"!! "L'épreuve des voitures" consiste à obliger un prisonnier, solidement maintenu par une corde derrière un camion, à courir "à reculons", avant d'être traîné par le véhicule, qui roule à vive allure!!!
Toujours pas remis du tournis des faits abominables de l'univers concentrationnaire d'Inal, le lecteur renoue avec le fil d'Ariane de la narration macabre, qui le conduit cette fois au camp de "Jreïda", "à une trentaine de kilomètres de Nouakchott," où, avec d'autres militaires, Mahamadou SY finit par être transféré. La situation carcérale y est, malheureusement, rigoureusement la même que dans les autres camps d'extermination du pays. Pour vous édifier, voici un panel sur le tableau de chasse funeste des "Mors-rient-âniens" ou bourreaux:
- PRISONNIERS ENTERRES VIFS !!
Ely Ould Dah et le lieutenant Samory Ould Youmbaba "demandent aux suppliciés de recopier des aveux qu'ils leur dictent. Beaucoup de prisonniers sont morts sous la torture ou sont enterrés vivants (!!) sous le regard indifférent de ces deux officiers." (page: 161)
- AVEUGLES, PUIS ENTERRES VIFS !!
"Le sergent-chef Anne Abdoulaye est aveuglé et paralysé. Ses deux jambes ont été brûlées sur un bûcher et des tisons ont été appliqués sur ses yeux." (!!!)
- MORTS TRAINES A TERRE PAR DES VOITURES !!
"Le sergent Amadou meurt tracté derrière un véhicule." (!!) ( page:171)
- ENTERRES JUSQU'AU COU ET ABANDONNES !!
Le sergent GAYE Dahirou "a été arrêté et torturé par le lieutenant Ely Ould Dah, le sergent Merzouk et un sous-officier, l'infirmier Abdy Ould Mohamed (...) Ils l'ont enterré jusqu'au cou et laissé sous un soleil ardent." (!!) (page: 173)
- MORTS PAR ELECTROCUTION !!
Le lieutenant Saré fut arrêté en fin novembre et mourut électrocuté une semaine plus tard."(!!) (page :158)
Entre les psychopathes de Jreïda et ceux d'Inal, c'est "bonnet blanc et blanc bonnet":
- PENDUS SELON LES HUMEURS DES ORDURES D'INAL !!!
"A Inal, l'adjudant BASS était relié à un autre prisonnier par une chaîne. Souleymane Ould Eleyatt demande à un collègue de détacher le compagnon de Bass pour la corvée de la cuisine. Bass croyant qu'on parlait de lui, demande de quoi il s'agit. Souleymane lui dit de ne plus l'interrompre quand il parle. Bass essaie alors de s'expliquer. Souleymane le traîne vers le hangar, où il le pend purement et simplement. Il est mort à Inal le 24 ou le 25 novembre." (!!) (page : 142)
- PENDUS "PAR LES PIEDS" ET FOUETTES A MORT !!!
"Ba Thierno a combattu pour la Mauritanie et a payé trois ans de sa vie dans les prisons de l'ennemi pour sa patrie et aurait même pu donner plus (...) C'est aujourd'hui les soldats aux côtés desquels il a toujours combattu au nom de cette Mauritanie commune, ses frères d'armes, qui le tuent dans cette patrie qu'il a si chèrement défendue (...) Comme Bâ Alassane, il [SY Hamet] meurt après un passage aux ateliers. La veille, il a été pendu par les pieds et fouetté presque à mort." (!!!) (page : 140)
- BASTONNADE A MORT !!!
Souleymane Ould Eleyatt "prend ensuite à plusieurs reprises son élan, comme un tireur de penalty, et vient lui donner un coup de pied presque toujours au même endroit. Le prisonnier crie de plus belle. Souleymane ramasse un bâton, qu'il avait déposé pas loin, et se met à le taper. "Silence, silence, vreikh", crie-t-il. Le bâton se casse; il prend une planche et continue. Il y met un tel acharnement que les plaintes deviennent de plus en plus faibles pour ne devenir que des gémissements; puis, c'est le silence. Alors, Souleymane, essoufflé et trempé de sueur, ramasse sa casquette, tire le cadavre par les pieds, laissant derrière lui une traînée de sang sur le sol; il l'abandonne plus loin, à côté d'un autre corps tout près d'un véhicule et s'éloigne sans un regard pour les autres prisonniers." (!!) (page: 88)
Il serait fastidieux de dresser une liste, tant soit peu exhaustive, des crimes, aussi odieux les uns que les autres, commis par les bourreaux. Mais, on ne saurait passer sous silence cette date du 28 novembre 1990 (trentième anniversaire de l’indépendance), qui vit 28 militaires négro-mauritaniens numérotés comme du bétail et pendus froidement par la scélérate soldatesque hitlérienne de Taya, président de la République islamique de Mauritanie. Il faut plus que le talent d'un tératologue ou d'un psychanalyste docteur ès-primates pour s'élever à la hauteur de la pensée de nos illuminés vandales qui, pour magnifier la GRANDEUR DE LEUR NATION, n'ont rien trouvé de mieux que de pendre 28 Négro-mauritaniens ! Cette ritualisation de la purification ethnique, avec une symbolique religieuse des chiffres (28 novembre, donc 28 pendaisons), marque de manière emblématique l'entrée de la Mauritanie dans une ère de racisme messianique contre le péril noir et montre une troublante similitude avec ce que l'on a appelé en Allemagne, dans les années trente, "La nuit de cristal."
C'est de Jreïda que le mur du silence sur ces iniquités d'un autre âge est rompu, grâce notamment à Cheikh Fall, qui divulgue le secret des camps d’extermination à la mauritanienne: "un sous-officier, l'adjudant Cheikf Fall, qui travaillait à Jreïda, a dévoilé tout sur les antennes de Radio France internationale. Après avoir assisté aux arrestations et vu les traitements réservés aux prisonniers, Cheikh Fall est envoyé en France pour suivre un stage. Quand il arrive à Paris, il est tellement choqué par la situation qu'il a laissée derrière lui, qu'il décide de dénoncer le racisme d'Etat, la barbarie et les horreurs érigées en règle dans son pays. Sa déclaration est relayée par plusieurs radios. A Nouakchott, c'est la panique générale; on crie au scandale." (page: 164)
C'est ainsi que, sous la pression internationale, le 14 avril 1991, à Jreïda "de retentissants coups sont frappés aux portes des cellules. La nôtre est ouverte et une lumière émanant d'une torche se promène sur nous. La voix du capitaine Moctar me parvient à travers un voile de sommeil: "aujourd'hui, c'est la fête du ramadan; en ce jour sacré, le président de la République vous a pardonnés. Le chef d'Etat-major me charge de vous dire d'oublier ce qui s'est passé et qu'en bons musulmans, vous devez mettre tout cela sur le compte de la fatalité. (...) je lui réponds: "il est vraiment très fort, le président; il nous arrête, nous torture, nous tue et c'est lui qui nous pardonne!" (page: 167).
Les paroles du chef de l'Etat-major se passent de commentaire. Passé maître dans l'art consommé de manipuler opportunément les signes (judaïté et islamité circonstancielles des Noirs de Mauritanie), le pouvoir mauritanien ruse même avec la linéarité du temps. Pour cela, un seul artifice: s'extraire de la temporalité commune des HUMAINS, avec son système éthique rigoureux fait de droits et de devoirs, et opérer une parenthèse temporelle (le temps que dure le massacre des "sales Juifs".) Une fois l'hécatombe accomplie, l'appétit meurtrier assouvi, comme par un coup de baguette magique, l'HISTOIRE reprend son cours : les Noirs mauritaniens cessent d'être de "sales Juifs".
Le mécanisme élémentaire du fonctionnement de cette BELLE IMPOSTURE ayant montré ses limites, il faut refonder la Mauritanie sur un autre socle que celui des simples rengaines patriotiques creuses (que les instituteurs s'évertuent à inculquer aux enfants de l'école primaire) autour d'une certaine "NATION mauritanienne", dont tout le monde sait qu'elle n'existe pas :
«Bi haqqi al-kitâb wa haqq al-watâne!», «au nom de la vérité du Livre et de la patrie (ou de la nation)»
ﺑﺤﻖ ﺍﻠﻛﺘﺎﺐ ﻮﺤﻖ ﺍﻠﻮﻄﻦ
Oublié l'âge romantique de mon enfance scolaire, celui de mes "'assâtîza ﺃﺴﺎﺗﺫﺓ" (maîtres) :
"Hâzâ 'akhîrou nawminâ
Bilâdounâ lâ tachtakî
Chabâbounâ
Noufoûssounâ,'arwâhounâ....
Koulloune lak!" "Cet [instant] est le dernier de notre sommeil !
Notre pays, ne te plains pas !
Notre jeunesse
Corps et âme
T'es dévouée !"
Mohamadou Saidou TOURE