Sahara Fragile / Sahariens en danger

Publié le 12 novembre 2009 par A360

Interview dans Géo n°369, Novembre 2009. dans l’article “Algérie, des villes nouvelles dans le Sahara”. Texte de Guy-Pierre Chomette, photographies de Bruno Hadjih.

J’évoque dans cet article les problèmes liés à la collecte de déchets à Tamanrasset (Sud Algérie). Hasard du courrier et de la publication, j’ai reçu le numéro de Géo juste au moment où je débarquais d’une semaine dans le Hoggar.

Au cours de mes précédents séjours, je n’avais jamais vu autant de tas de déchets dans Tam, dans l’oued principal, autour de Tam. « Et encore il n’y a pas de vent aujourd’hui, sinon il y en aurait jusque sur les poteaux électriques » me confiait un habitant. Partout des chèvres se nourrissent des détritus. Elles-mêmes sont mangées par les familles…

Le cycle alimentaire terrible que l’on croit réservé aux grandes mégalopoles du Tiers Monde a désormais sa réplique saharienne.

J’ai encore en tête le moment où, il y a deux semaines, à 11h00 du matin, nous dépassons un camion qui se déleste tranquillement d’un chargement d’ordures, à cent mètres de la première maison, dans l’alignement du superbe Pic Laperine. La piste qui mène au coeur montagneux du Parc National de l’Ahaggar est bordée sur des kilomètres, de tas de bidons d’huiles usagées et de tout ce qu’une agglomération d’environ 100 000 âmes peut jeter.

Dix minutes avant l’entrée dans la ville, une décharge à ciel ouvert collecte une partie des poubelles. Alors que je marche en bord de route, à cinq cents mètres de l’entrée du lieu de « retraitement », je tombe nez à nez avec un tas qui m’a indigné: des dizaines de détritus médicaux, des seringues, des ampoules, et le pire: des poches de sang, des cathéters, du matériel médical de perfusion et de transfusion usagé. Tout cela en bord de route, au milieu de centaines d’autres monticules, libres d’accès aux enfants qui se promènent à vélo dans cette vallée, libre de se répandre dans l’oued.

J’ai souvent évoqué la préservation des patrimoines naturels et culturels sahariens, que ce soit dans le cadre du projet Sahara Fragile, ou dans des films et expositions pour l’UNESCO. J’ai souvent alerté des décideurs sur le fait que sur 8 millions de kilomètres carrés il n’y ait aucune collecte de déchets organisée, d’incinérateur ou autre solution.

Certes les déchets se retrouvent dans le désert au moindre coup de vent et polluent les paysages, mais mon premier souci, sur cette question, a toujours été que des espèces en voie de disparition mangent ces plastiques et rebuts. L’industrie touristique saharienne a fait de grand progrès en ce qui concerne la préservation des sites. Il devient rarissime de tomber dans le désert sur des traces de bivouac, des emballages laissés par les touristes ou des restes alimentaires. Les guides et voyageurs ont intégré en dix ans la notion résumée en une phrase « Je laisse à ceux qui viennent le monde tel que je l’ai trouvé ». Mais je ne parviens pas à croire que la préservation de l’environnement s’arrête en lisière des villes sahariennes. Je ne parviens pas non plus à croire au trop grand coût du retraitement des déchets. Pour info, les coûts de traitement des déchets par incinération sont globalement comparables, voire légèrement supérieurs, à ceux de la mise en décharge.

Ce tas immonde sur lequel je suis tombé ne relève pas de la préservation de l’environnement. Ilrelève de la sécurité sanitaire des populations du Hoggar.

Je n’ai pas de conseils à donner, je suis choqué et je souhaite juste que les enfants qui étaient de l’autre côté de la route ne la traversent pas et qu’ils n’aient pas l’idée de jouer au docteur.

Merci de relayer cela auprès de personnes qui se sentiront concernées, et une fois de plus, auprès de décideurs.

Arnaud Contreras