L’institut BVA a publié le 20 septembre dernier, quelques jours après le 25e suicide d’un employé de France Télécom, un sondage portant sur le rapport des Français au suicide. L’enquête fait apparaitre que près d’un Français sur dix a déjà pensé au suicide (9%), un résultat qui demande quelques explications.
La première remarque qu’il convient de faire concerne le contexte de l’enquête. En interrogeant les Français sur leur aversion au suicide alors que ce terme est celui qui est le plus repris par les médias depuis trois semaines (55 000 articles sur Internet et plus de 70 millions d’occurrences sur Google), on pose un cadre duquel les interviewés éprouvent de grandes difficultés à s’extraire. Ainsi, en rappelant les faits dès l’introduction; « un 25e suicide vient d’avoir lieu en deux ans chez France Télécom« , l’enquêteur souligne que son travail s’inscrit dans un contexte où le mot et donc l’acte qu’il désigne se sont banalisés dans l’imaginaire du grand public.
Les résultats, renforcés ici par une indication chiffrée (entre 3,5 et 5,5 millions de Français) indiquent que 9% de la population interrogée à déjà pensé au suicide. Ce chiffre, particulièrement élevé est à mettre en parallèle du taux de suicide annuel mesuré dans le pays, 24 pour 100 000 personnes (contre 17 dans le reste de l’UE). On peut ici regretter que le questionnement se soit porté sur la pensée et non sur l’acte. En effet, le fait de penser au suicide, tout comme le fait de penser au meurtre ne constitue pas une preuve d’un comportement suicidaire avéré. Ainsi, la situation n’est sans doute pas si désespérée et grave que les résultats de cette enquête d’opinion le laissent penser.
Dans le détail, on observe que l’existence de pensées liées au suicide croit avec l’âge, 3% pour les moins de 25 ans et jusqu’à 18% pour les personnes âgées de 50 à 64 ans. Si l’augmentation des responsabilités dans le monde professionnel permet sans doute d’expliquer pour partie ce chiffre, il faut néanmoins se rendre à l’évidence : un homme de 50 ans a mathématiquement deux fois plus de temps qu’un jeune homme de 25 ans pour « penser» au suicide. Plus intéressant encore c’est le chiffre très faible d’individus de plus de 65 ans évoquant des pensées liées au suicide (ici 5%). Les réponses de ces personnes nées avant 1944, au premier abord difficile à interpréter révèlent en réalité deux choses : la disparition de la solidarité née pendant la guerre (comme Durkheim l’avait théorisé) et la transformation du monde du travail lors des trente glorieuses. Enfin, ouvrier et cadres semblent avoir une fragilité équivalente vis-à-vis du suicide (respectivement 10% et 9%) ce qui indique que la souffrance mentale est présente pour l’ensemble des catégories socioprofessionnelles.