La Cour des comptes a souligné dernièrement les dépenses astronomiques consacrées par l’Elysée pour la mise en œuvre de sondages. Le montant s’élève à trois millions d’euros pour l’année 2008. Mais au-delà du caractère exorbitant de la somme engagée, c’est la méthode employée par l’exécutif qui est douteuse. En dépit de toutes les règles et usages administratifs qui prévoient, voire exigent une procédure d’appel d’offres, le Président et ses comparses ont préféré s’adresser sans formalité à des prestataires bien identifiés, avant même que les prix et la qualité des services proposés par les professionnels du sondage aient été examinés et comparés. Patrick Buisson, anciennement conseiller politique de Philippe de Villiers, puis converti au sarkozysme lors des dernières élections présidentielles, est semble-t-il le grand gagnant de cette histoire de marché tronqué. L’homme a en effet encaissé un million quatre-cent milles euros en tant que fournisseur de l’Elysée. Nicolas Sarkozy sait se montrer reconnaissant à l’égard de ceux qui l’ont aidé dans son ascension élyséenne, ce qui est le cas de M. Buisson dont l’ancrage politique à l’extrême de la droite française fût profitable au candidat Sarkozy pour récupérer une partie de l’électorat du Front National. Le problème est que la récompense est prélevée sur les deniers du contribuable. Il faut bien financer la boulimie présidentielle pour les enquêtes d’opinion. Cet appétit féroce illustre d’ailleurs assez bien deux déterminants de la politique sarkozyenne. D’une part, il s’agit de saisir dans l’instant l’avis des français pour ensuite s’y conformer. Voilà une approche très « courtermiste » qui est incompatible avec l’application d’un projet de société qu’impose la gouvernance d’un Etat. Mais Nicolas Sarkozy l’a déjà dit, il est un enfant de la télé, ce qui peut-être lui vaut aujourd’hui de s’adonner au zapping. D’autre part, le recours quotidien et permanent aux sondages, lesquels sont pour partie repris par la presse, est un moyen d’orienter la médiatisation des préoccupations françaises. Et comme l’Elysée, en tant que donneur d’ordres, pose les questions, on suppose que celles-ci sont en adéquation avec les réponses ou les propositions toutes prêtes, bien avant que le sentiment des français ait été exprimé. C’est une autre façon de faire de la politique, par inversion des rôles, qui ne mérite certainement pas le terme de démocratique mais qui vaut par contre d’être dénoncée.