C’est alors le mot chair qui entre
dans le recueil et avec lui « Quelque chose comme une infinie variété du
plaisir. » Mais là encore, point de célébration de ces termes mais
l’affirmation de leur faiblesse relative : « Le mot chair, tous les
autres / On n’aura rien dit. » L’écriture devient donc comme une
confrontation à des références, que James Sacré nomme « empreintes »,
et dont le poème ne dit pas grand-chose. Ce sont aussi bien Les Mille et une nuit, Rutebeuf et
Rimbaud et différents lieux du sud marocain : Tazzarine, Alnif et djebel
Sarhro. Et s’il y a paysage, il y a aussi forcément un passage par la
peinture : le recueil est d’ailleurs accompagné de dessins de l’ami
disparu, Mohamed Kacimi. Il se produit alors, bien qu’elle ne soit jamais dite
expressément, une grande analogie : la disparition du peintre et du poète
projette, permet de se projeter dans la disparition des mots. Et c’est ainsi
que Le désir échappe au poème.
Comme toujours la construction est magistrale chez James Sacré, d’autant
qu’elle donne l’illusion presque d’une improvisation ou, pour prendre une
expression que le poète utilise pour nommer son travail, d’un brouillon
continué.
En imposant à l’écriture poétique une distance avec ses outils habituels, James
Sacré parvient à donner un recueil qui, à l’image de toute son œuvre, tient de
l’évidence.
Contribution d’Alexis Pelletier, publiée par Florence Trocmé
James Sacré
Le Désir échappe à mon poème,
dessins de Mohamed Kacimi,
Éditions Al Manar, 2009, 40 pages, 14€