Les cérémonies du 11 novembre évoquent toujours un passé des plus douloureux, tragique, même à l’heure ou les “poilus” ont tous disparus. Les images de la “réconciliation” avec l’Allemagne, fortes, émouvantes, ne peuvent faire oublier ceux dont on ne parle plus beaucoup : les soldats musulmans ayant combattu dans les rangs de l’armée française.
Beaucoup de nos concitoyens en effet, particulièrement les nouvelles générations, semblent ignorer le rôle et l’immense sacrifice des soldats africains toutes origines confondues, lors de la première guerre mondiale.
Ces soldats en très grande majorité musulmans constituaient la presque totalité de l’Armée d’Afrique.
Aucune cérémonie spécifique et régulière ne commémore leur participation à ce conflit. Pourtant ces “oubliés ” de l’Histoire ont contribué à marquer le cours des événements mondiaux de l’époque. Des hommes auxquels la France et avec elle l’Occident doivent beaucoup.
L’Armée d’Afrique est née en Algérie. La plus ancienne unité est celle des Zouaves,viendront ensuite les Spahis, les Régiments de Tirailleurs et les Goumiers, sans oublier la Légion Étrangère créée à Sidi- Bel- Abbés.
Les soldats musulmans participeront de façon massive aux deux guerres mondiales 1914-1918 et 1939-1945 et serviront en Indochine et en Algérie. L’ensemble de ces guerres a coûté un million de vies humaines à l’Armée d’Afrique*.
Pourtant aujourd’hui encore, tout écolier français qui feuillette des manuels scolaires d’histoire n’en trouvera guère qui mentionnent leurs noms.
Durant la guerre 14-18 les soldats musulmans de l’Armée d’Afrique sont engagés dès le départ en Août 1914. Pas moins de 32 bataillons sur 40 existants en Afrique du Nord. Rapidement ils sont lancés dans les combats. Mettant fin à la dure retraite de 300km des troupes françaises, ils respectèrent sans faille l’ordre du général Joffre avant la bataille de la Marne. Les termes de cet ordre ne sauraient être trop souvent reproduit : ” une troupe, qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer”.
Lors de la fameuse bataille de la Marne, les soldats de l’Armée d’Afrique essuient les premiers coups de feu le 05 septembre 1914. Ils furent engagés selon le général Juin: ” En spéculant uniquement sur leur bravoure et leur esprit de sacrifice, sans leur accorder le soutien d’un seul groupe d’Artillerie de campagne. “.Leur discipline, leur bravoure, contraignent l’armée de Von Klück à faire demi-tour et abandonner la prise de Paris alors qu’elle ne se trouvait plus qu’à 40km de la capitale. C’est la première retraite de l’armée allemande. La bataille de la Marne est gagnée.
Von Klück écrira dans ses mémoires : ” Que des hommes couchés par terre et à demi morts de fatigue puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter, une possibilité dont il n’a jamais été question dans nos écoles de guerres. “.
Après la Marne ils sont de toutes les offensives : Artois mai et juin1915, Champagne 25 septembre1915, La Somme 1916, Verdun 24 octobre et 15 décembre1916, et 20 août1917, La Malmaison octobre 1917, puis en 1918 de toutes les batailles de la campagne de France.
Sur les 475.000 hommes de l’Armée d’Afrique près de 200.000 étaient des musulmans d’Algérie, 50.000 tunisiens, 35.000 marocains, 130.000 sénégalais, 30.000 malgaches, 40.000 indochinois et 3.000 somalis …
Il se pourrait même que le soldat inconnu reposant sous l’Arc de Triomphe soit l’un d’eux!
Devant le racisme et les exclusions de toutes sortes, il est crucial parfois, de faire appel à la mémoire et au souvenir de l’Histoire de France.
*L’Armée d’Afrique 1830-1962. Direction Général R.Huré
Editeur Charles Lavauzelle-Paris1977.