Chroniques de la Palestine occupée - Le jardin des supplices de Gaza

Publié le 11 novembre 2009 par Robocup555

"" Ce qu'il y a de terrible quand on cherche la vérité, c'est qu'on la trouve."
Rémy de Gourmont

"Nul ne colonise innocemment. (…) Une nation qui colonise, une civilisation qui justifie la colonisation - donc la force - est déjà une civilisation malade, une civilisation moralement atteinte, qui, irrésistiblement, de conséquence en conséquence, de reniement en reniement, appelle son Hitler, je veux dire son châtiment."
Aimé Césaire

Aline De Diéguèz

Les grands écrivains sont des prophètes. Ils voient l'avenir dans les signes du présent, car l'art est réalité et symbole confondus, mais il faut savoir lire les symboles.

J'ai donc mis mes pas dans les pas de Franz Kafka (voir La métamorphose d'un être humain en vermine), puis d' Octave Mirbeau et j'ai lu à livre ouvert l'histoire de la Palestine telle qu'ils l'avaient vue et racontée depuis des dizaines d'années.

Tout avait été dit : la politique d'Israël a été décrite par le menu depuis des lustres. Des voix nombreuses nous

avaient prévenus. Meurtres, génocide, crimes de guerre, tout peut recommencer . "C'est arrivé et tout cela peut arriver à nouveau "avait averti Primo Levi dans Les naufragés et les rescapés .

Il avait raison, c'est arrivé de nouveau.

*

Pendant que les Laval et les Pétain palestiniens se vautrent sur de moelleux divans en compagnie des assassins de leur peuple et incitent ces derniers à une manière de "solution finale" censée dégoûter les Gazaouis de soutenir les dirigeants qu'ils ont démocratiquement élus, les bourreaux israéliens ont de nouveau gratifié l'univers du spectacle d'une de ces tueries dont ils ont le secret. S'étant spécialisés dans les massacres de populations civiles et les dévastations d'infrastructures, d'hôpitaux et d'écoles et ayant démontré leur savoir-faire en 2002 à Jénine, puis en 2006 au Liban, le monde entier a pu constater au cours de la dernière bacchanale sanglante à laquelle ils se sont livrés durant l'hiver 2008-2009 à Gaza, à quel point ils viennent d'améliorer leurs performances .

Mais la brutalité n'est pas leur seul registre. S'il existait un festival de Cannes destiné à récompenser le tourmenteur le plus vicieux et le plus imaginatif, il est assuré que l'Etat d'Israël remporterait haut la main la palme d'or du scénario, ainsi que celle de la mise en scène. Ces deux trophées salueraient les inventions les plus cruelles et les plus agressives, certes, mais aussi les plus imprévues, les plus dérisoires, les plus hypocrites et les plus perverses de cet Etat, qui toutes convergent vers un seul but: désécuriser, déstabiliser et créer une atmosphère d'angoisse et de précarité destinées à affoler en permanence les victimes et donc à les fragiliser psychiquement, avant de tenter de les éliminer physiquement. Pour le bourreau, ce préliminaire correspond à la phase dite d'"attendrissement de la viande" .

La capacité de résilience, l'énergie et l'intelligence du peuple palestinien sont si étonnantes qu'en même temps qu'elles soulèvent l'admiration de tous les hommes normaux et dotés de la capacité innée d'empathie envers son semblable souffrant, elles font enrager l'occupant qui, visiblement, ne sait plus à quelle exaction se livrer et auprès de quel démon renouveler son inspiration. La corruption à grande échelle des dirigeants, en vertu de l'adage populaire bien connu , "Le poisson pourrit toujours par la tête" , est l'une de ses dernières trouvailles.


Dahlan, l'évincé de Gaza, en compagne de l'ancien chef d'état-major de tsahal, Mofaz (doc.assez ancien, mais révélateur de l'intimité des relations entre ces deux individus)

Sur les pas d'Octave Mirbeau dans le Jardin des supplices de Gaza...

Le sol était jonché de corps déchiquetés, de têtes arrachées, de bras et de jambes orphelins de leur tronc. Des blessés gémissaient, des fantômes de femmes, des ombres d'hommes, hurlaient leur douleur. Je compris en un éclair que je venais de pénétrer dans le jardin des supplices de Gaza.


Tête de toute petite fille au milieu des gravas

Partout ruines, destructions , sang et meurtres … meurtres… meurtres.

Je me souvins de la dédicace de mon guide à son ouvrage sur les tortures et les tortionnaires de l'histoire : " Aux Prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes, qui éduquent, dirigent, gouvernent les Hommes, je dédie ces pages de Meurtre et de Sang " . Octave Mirbeau avait prévu l'enfer de Gaza .

Larguant sciemment bombes incendiaires ou à fragmentation, obus au phosphore blanc et à l'uranium appauvri, missiles meurtriers et bombes à fléchettes sur des milliers de maisons, le parlement, le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur, les tribunaux, la prison, l'unique moulin à farine, le principal élevage de volailles, l'équipement de traitement des eaux usées, les citernes, les puits, les écoles, les réserves de nourriture, la centrale électrique, les assassins ont amplement prouvé que "le meurtre est bien la plus grande préoccupation humaine".

C'est pourquoi, "l'universelle barbarie" dans laquelle nous sommes plongés permet de massacrer le plus de monde possible en le moins de temps possible. Tels sont les fondements sur lesquels les cités et les nations concentrent leur politique.

Ainsi, les deux Etats les plus belliqueux de la terre - les Etats-Unis et Israël - possèdent à eux seuls un arsenal suffisant pour faire exploser plusieurs fois la planète tout entière: "Avec notre état d'universelle barbarie [...] nous vivons sous la loi de la guerre ... Or en quoi consiste la guerre ? ... Elle consiste à massacrer le plus d'hommes que l'on peut, en le moins de temps possible ... Pour la rendre de plus en plus meurtrière et expéditive il s'agit de trouver des engins de destruction de plus en plus formidables ... et c'est aussi le progrès moderne ...", écrivait Octave Mirbeau, l'un des plus virulents écrivains anti-colonialistes de la fin du XIXe siècle, dans un ouvrage d'un humour grinçant et dérangeant, "plus noir que le noir", pour paraphraser Jonathan Littell, et intitulé Le jardin des supplices . Il y décrivait minutieusement les tortures inventées par un bourreau particulièrement inspiré dans le bagne de Canton. Il s'agissait de symboliser et de stigmatiser d'une manière "swiftienne" les méfaits et les horreurs des Etats colonialistes. Méfaits et horreurs que le dernier Etat ouvertement colonialiste de la planète continue de pratiquer avec une impudence qu'il n'est pas exagéré de qualifier de "chuzpah politique et morale".

Il est 11h30, les enfants sortent de l'école. A cet instant, l'artillerie se déchaîne. Cinquante avions de combat lâchent leurs bombes alors que plus de cinq cents enfants terrorisés et en pleurs grouillent encore dans les rues et que des parents désespérés arrivent en courant. Une promotion entière de plus de deux cents jeunes policiers en train de prêter leur serment d'entrée en fonction est exterminée en un éclair. Les morgues débordent. Trois jeunes enfants d'une même famille gisent entassés l'un sur l'autre. Des bombes partout, de la fumée, de la poussière, du sang, des cris, des pleurs. La peur, la rage, nul refuge, nul secours. Gaza tout entière transformée en un gigantesque jardin des supplices.


Alignement de cadavres d'adultes et d'enfants

Les stocks de l'aide humanitaire brûlés au phosphore blanc. Même les morts sont bombardés et les cimetières ravagés par l'artillerie. Puanteur des cadavres en décomposition exhumés de leurs tombes. Exhalaisons de sang et de mort. Lambeaux de chairs, fragments de membres éparpillés. Les victimes tuées une deuxième fois. Odeur de mort du jardin des supplices de Gaza.

Les bâtiments abritant les médias, pulvérisés. Terroriser les journalistes et les prendre sciemment pour cibles afin de priver les victimes de nouvelles et de conseils et surtout, priver le monde de témoins. La censure perverse dans le jardin des supplices de Gaza.

Massacres de civils fuyant les zones de combat et agitant des drapeaux blancs, civils carbonisés au hasard par le phosphore blanc déversé sur des zones peuplées, fours crématoires portatifs et intentions génocidaires, nul besoin de zyklon, on n'arrête pas le progrès, bombes à l'uranium appauvri larguées sur des écoles, la mort inhalée durant des jours et des jours, utilisation de civils et même d'enfants comme boucliers humains. D'autres enfants foudroyés d'une balle en plein front par d'habiles snipers et visés comme des lapins mécaniques dans une fête foraine. "C'est cool de tuer"! Bonheur de devenir une bête. Soldats visant délibérément des civils désarmés à partir des tanks; des enfants, des nourrissons le front troué d'une balle, tous rebaptisés "terroristes". Ravager les maisons désertées par leurs occupants, voler ce qui peut l'être, détruire les meubles, souiller, déféquer et uriner partout, tel fut l'incroyable cruauté ainsi que l'invraisemblable manque de dignité de l'armée des assassins, tueuse méticuleuse dans le jardin des supplices de Gaza.


Obus au phosphore blanc sur une école de l'UNWRA

Les habitants de Gaza traités comme des animaux et leurs maisons transformées en bauges, pillées et vandalisées lorsqu'elles n'étaient pas rasées, ainsi s'est comportée "l'armée la plus morale du monde" dans le jardin des supplices de Gaza.

Les pauvres animaux du zoo ne sont pas épargnés par les bombes et la folie meurtrière qui s'est abattue sur le camp de concentration hermétiquement clos et livré à une rage destructrice. Les écoles , les hôpitaux, les ambulances sont attaqués et incendiés, les blessés agonisent en se vidant de leur sang. Les oliveraies déracinées dressent vers le ciel leurs racines désespérées, les serres réduites en miettes afin de survienne la famine. Le terrain labouré en profondeur au bulldozer pour que rien ne repousse. Le désert et la désolation. L'horreur et la dévastation dans le jardin des supplices de Gaza.


Pluie d'obus de phosphore blanc arrosant la ville de Gaza

Et les assassins l'avouent : "Tu ne vois pas les Palestiniens comme des être humains, tu les vois comme des animaux. Tu entres dans leur maison, la nuit, tu les réveilles, les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, et tu casses tout. C'est le genre de choses que tu ne ferais pas ici, en Israël, mais tu le fais chez eux. Et, pour ce faire, tu refuses la réalité. C'est la seule manière. Tu crées entre toi et la réalité un mur de silence". Tel est le témoignage révélateur de l'un des participants de la si glorieuse équipée de Tsahal dans la souricière de Gaza.

Des supplices d'un raffinement cruel décrits par Octave Mirbeau, que le bourreau fait subir aux détenus du bagne de Canton, aux supplices collectifs et au déchaînement de barbarie mécanisée d'une brutalité inouïe infligés à toute une population piégée comme des rats et harcelée par terre, par mer et par les airs, on retrouve encore et toujours le même instinct de meurtre. S'y ajoute le sentiment jouissif de puissance et la jubilation de pouvoir infliger impunément une souffrance illimitée et gratuite : "Tu les fais avancer, reculer. Tu les rends fous. Tu as dix-huit ans et tu te sens puissant", ainsi s'exprime l'un des jeunes bourreaux repentants.

*

Et depuis lors, le camp de concentration de Gaza demeure toujours aussi hermétiquement bouclé, l'occupant interdisant l'entrée des outils et de tout matériau qui permettraient de reconstruire ou de réparer les infrastructures détruites. Mais la liste des interdictions ne se limite pas aux matériaux de construction. Et c'est là où l'imagination sadique du bourreau donne toute sa mesure et rappelle celle du bourreau chinois d'Octave Mirbeau.

Ne pouvant décemment, comme dans le bagne de Canton, se livrer aux supplices, horribles, certes, mais, somme toutes, artisanaux, de la cloche, de la caresse, ou le fameux supplice du rat qui obsédait un des patients de Freud, ou se spécialiser dans le maniement de la scie, de la tenaille ou du scalpel, le bourreau israélien s'est spécialisé dans des harcèlements physiques et moraux permanents et massifs. Il compte sur les ravages engendrés par la durée de la souffrance. Il espère assister au spectacle jubilatoire de voir les victimes s'entre-dévorer, se retourner contre leurs dirigeants et ramper devant lui, enfin domptées.

En effet, une véritable liste à la Prévert des privations cerne et harcèle les suppliciés dans tous les aspects de leur vie quotidienne.

Ainsi, aujourd'hui encore, sont interdits d'entrée dans le bagne de Gaza : les crayons pour les écoliers, les cahiers et les livres, tous les instruments de musique et les partitions, les bougies et les allumettes, tout matériel électrique - câbles, fils, prises, boîtes de dérivation, ampoules, le verre plat, pour fermer avant l'arrivée de l'hiver les milliers de fenêtres dont les vitres ont volé en éclats.

Sont également interdits d'entrée dans la prison de Gaza les vêtements, les tissus, le fil à coudre, les aiguilles, les chaussures, les matelas, les draps, les couvertures, les couettes, toute la vaisselle - assiettes, tasses, casseroles, couteaux, fourchettes, cuillères- tout produit d'entretien et de lavage - une dérogation partielle vient d'être accordée sur certains produits d'hygiène corporelle, mais le papier hygiénique sous tous ses conditionnements continue d' être considéré comme un produit dangereux. Des Gazaouis ingénieux sont sûrement susceptibles d'accrocher des missiles à des avions en papier hygiénique et de pilonner Sderot!

Sont interdits d'entrée tous les jouets, ainsi que les poupées

Est évidemment interdite toute importation de réfrigérateurs, de machines à laver et de tout autre appareil électroménager, matériel de toutes manières inutilisable, puisque l'occupant coupe, selon son bon plaisir, le peu d'électricité qu'il laisse fonctionner après avoir détruit la seule centrale électrique du ghetto et empêché sa réparation. De plus, il vole la majeure partie de l'eau des nappes phréatiques et ne laisse aux bagnards de Gaza qu'un mince filet à peine suffisant pour remplir des jerricans .

Est interdite l'importation de véhicules de toute nature - voitures particulières, camions, ambulances et même fauteuils roulants pour les innombrables blessés et infirmes que "l'armée la plus morale du monde" a laissés sur le carreau.

Sont interdits d'entrée tous les animaux - vaches, ânes, chèvres, volailles, etc. , et le remplacement des quelques pauvres animaux du zoo de Gaza - impitoyablement abattus, eux-aussi, pendant le carnage ou morts de faim - est impossible. On n'insistera jamais assez sur les capacités militaires des vaches ou des poules.

Aux dernières nouvelles, l'Organisation Mondiale de la Santé informe le monde que les bourreaux moraux de la "seule démocratie du Moyen-Orient" viennent d'interdire, pour la quatrième fois, l'entrée des appareils et des accessoires médicaux indispensables au fonctionnement des hôpitaux et, pour faire bonne mesure, les gentils "démocrates" préposés au contrôle des marchandises ont pris soin de ravager les appareils et de les rendre inutilisables par ces sous-hommes de Palestiniens - ces "animaux à visage humain", comme les désigne le Talmud - avant de les retourner à l'envoyeur. Et c'est ainsi que Jahvé est grand. Alleluia!

La seule interdiction que la fameuse "communauté internationale" a réussi à lever est celle des coquillettes et des nouilles... dont le danger qu'elles représentaient pour la sécurité de l'occupant n'est plus à démontrer; mais sont toujours interdits d'entrée dans le ghetto de Gaza le thé, le café, toutes les semoules, le lait en grands conditionnements, toutes les patisseries et gâteaux secs, le chocolat, les graines de sésame et les semences, toutes matières qui risquent d'être utilisées par les inventifs démons gazaouis dans la fabrication des roquettes meurtrières qui "terroriseraient" les pauvres habitants de Sdérot. Les Gazaouis réussissent à construire des maisons avec de la boue, alors, pourquoi ne mettraient-ils pas au point des bombes à la semoule!

*

La "loi du meurtre" et "l'école de l'assassinat" illustrées à Gaza par l'Etat qui se proclame une "lumière pour les nations", ne constituent pas une explosion irrationnelle, comme pourraient le laisser croire les interdits sadiques énumérés ci-dessus. De même que celui du bagne de Canton, le bourreau bureaucratique israélien est un véritable artiste qui traite la souffrance comme un des beaux-arts. Un an après la fin du déchaînement génocidaire contre la population civile, les privations continuent d'être mises en œuvre au nez et à la barbe des démocraties "morales", avec la rigueur et la méticulosité propres à toutes les administrations dictatoriales. Elles témoignent de la mise en oeuvre d'un plan particulièrement raffiné, mûrement conçu dans le but de faire souffrir les victimes au maximum tout en essayant de préserver - grâce à une machine de propagande bien huilée et fonctionnant sur toute la planète - un statut de victime éternelle. En réalité il s'agit de rien de moins que d'une application quasi littérale des recommandations biblico-talmudistes acceptées et approuvées par plus de 85% de la population de la nouvelle colonie de peuplement, fondée sur des critères raciaux et implantée sur la terre palestinienne.

Voici quelques citations, parmi des dizaines d'autres, issues, non pas même du Talmud - dont certains passages traduisent un autisme pathologique et un racisme si ingénu et si arrogant que son excès même en devient comique et ne mériterait qu'un haussement d'épaules méprisant ... s'il n'était mis en pratique, ouvertement par les fameux IDF (Israël Defense Forces) et insidieusement par tous les règlements administratifs de l'Etat colonial. Les recommandations de haine, de destruction, de vol et de meurtres figurent dans les textes bibliques majeurs et sont prônés par de nombreux rabbins dans l'armée. C'est pourquoi ce sont les recommandations bibliques qui sont appliquées au pied de la lettre et le coeur léger par la soldatesque - en dépit de l'existence d'un code officiel flatteur, uniquement destiné à leurrer l'étranger candide sur la nature d'un Etat qui se proclame une "démocratie occidentale". Mais il se comporte en réalité avec la brutalité et l'arbitraire propres à toutes les dictatures militaires envers ceux qui ne peuvent exciper de leur "pureté religieuse et raciale", les deux éléments étant indissolulement liés dans cette religion. En effet les recommandations officielles de "l'armée la plus morale du monde"... sur le papier ... sont superbement ignorées non seulement par la base, mais par toute la haute hiérarchie militaire.

"Lorsque Jahvé, ton dieu, t'aura amené dans le pays où tu vas entrer pour en prendre possession et qu'il aura délogé devant toi de nombreuses nations (…) alors, Jahvé ton dieu les aura livrées à ta merci et que tu les livreras à l'anathème (à la destruction) . Tu ne concluras pas d'alliance avec elles, tu n'en auras point pitié ! " (Deutéronome 7:1-2)

"Des villes de ces peuples que Jahvé, ton Dieu, te donne en héritage, tu ne laisseras rien vivre de ce qui a souffle de vie. Détruisez-les jusqu'au derniercomme Jahvé, ton Dieu, vous l'a ordonné… " (Deutéronome 20.16)

"Vous poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous sous votre glaive. Cinq des vôtres en poursuivront cent des leurs, cent d'entre vous en poursuivront dix mille, et vos ennemis tomberont devant vous par le glaive. " (Lévitique, 26, 7-9)

"Ce jour est au Seigneur Jahvé des armées, jour de vengeance, où il se venge de ses adversaires. Le glaive dévore et se rassasie. Il s'abreuve de leur sang." (Jérémie 46.10) (trad. Osty)

Deir Yassine Haïfa, Jaffa, Acre, Oum Al Fahem et AL-Ramla, Al-Daouayma, Abou Shousha, Qazaza, Jaffa à plusieurs reprises, Tannoura, Tireh, Kfar Husseinia, Haïfa encore et encore, Sarafand, Kolonia, Saris, Biddu, Lod, Bayt Surik, Sasa, Balad al-Cheikh, hier Jenine , Gaza hier et aujourd'hui ont expérimenté dans leur chair la mise en pratique des directives vétéro-testamentaires en usage dans l'armée.

Déjà, une première fois, il y deux millénaires environ, une tribu de nomades en voie de sédentarisation rationalisait ses meurtres et ses rapines en les attribuant à la volonté et aux directives de son dieu personnel - un dieu qui aurait eu la chuzpah de priver le peuple autochtone de sa terre et de propulser ses chouchous, se qualifiant d'"élus", sur un territoire qu'ils trouvaient à leur goût. Pour la deuxième fois dans l'histoire, un groupe humain qui se réclame de la même divinité s'installe sans complexes dans des " grandes et belles villes qu'il n'avait pas bâties", habite avec bonne conscience , dans des "maisons pleines de toutes sortes de biens qu'il n'avait pas remplies" et utilise tranquillement des "citernes creusées qu'il n'avait pas creusées". Sans le moindre regard pour la population expropriée et volée, il jouit des récoltes de "vignes et d'oliviers qu'il n'avait pas plantés". (Deutéronome, 6,10, trad. Osty) "Cette terre est à nous, c'est notre Dieu qui nous l'a donnée", hurlent à tue-tête des colons déchaînés, la kalachnikov à portée de main.

Les scribes du VI e siècle ont eu non seulement la candeur d'avouer les spoliations de la population autochtone auxquelles a procédé cette tribu lors de la première invasion, mais de s'en faire un titre de gloire. Or, pas plus à cette époque qu'aujourd'hui, ce territoire n'était "vide" et en attente d'envahisseurs. Un minimum de connaissances historiques permet de balayer les prétentions des hagiographes de cette religion qui rêvent de transformer leurs propres écrits mythologico-théologiques en registres cadastraux ou en actes notariaux.

Les légendes et les récits mythiques datant d'un millénaire pour certains, transmis oralement puis collationnés et mis en forme par des scribes à partir du VIe siècle avant notre ère dans une perspective d'auto-justification politique, puis triturés, ruminés et délayés par des rabbins autoritaires dans les plaines de Russie ou d'Ukraine à partir du Xème siècle - date de la conversion au judaïsme de groupes de populations d'Europe orientale ou de territoires asiatiques - ces récits légendaires, dis-je, ainsi que la glose talmudique qui en découle, nourrissent le terreau sur lequel a prospéré l'arrière-monde psycho-religieux des nombreux immigrants originaires d'Europe de l'Est et de Russie. Ce sont eux qui composent la strate dominante du mille feuilles de la colonie de peuplement en passe de conquérir la Palestine tout entière. Ainsi, sur les quinze premiers ministres de l'actuel Etat Israël, treize sont issus d'Ukraine, de Pologne, de Russie, de Lithuanie, de Bielorussie, de Moldavie et seuls deux sont nés en dans la Palestine sous mandat anglais, sans précision sur la provenance des parents, mais ceux-ci étaient probablement natifs des mêmes régions d'Europe orientale.

Il en résulte des cerveaux bunkerisés par un mélange d'arrogance - liée à une auto-proclamée "élection" divine - et de victimisation professionnelle brandie comme un bouclier à chaque critique de leurs exactions. L'idéologie biblico-victimaire des dirigeants de cet Etat et d'une grande majorité de la population les rend incapables de communiquer avec leurs voisins autrement que par la violence, le mépris et la domination. C'est pourquoi seule une anthropologie critique permet d'ouvrir l'interprétation de la politique des nations à la psychophysiologie des peuples qui les composent. (Voir les nombreuses analyses de théopolitique de Manuel de Diéguez sur ce thème )

Le général Gaby Ashkenazi, chef d'état major de la glorieuse "guerre" contre les civils de la bande de Gaza.

Primo Lévi semble avoir perdu confiance dans un possible sursaut moral de l'Etat d'Israël. Et pourtant "j'étais un homme", écrivait pudiquement, mais avec un chagrin si insurmontable qu'il l'a conduit au suicide, un rescapé de l'avant-dernier jardin des supplices.

Que dirait aujourd'hui Primo Levi aux suppliciés de Tsahal à Gaza traités comme on n'ose plus traiter les animaux? Peut-être leur lirait-il le Discours sur le colonialisme de notre grand poète martiniquais, Aimé Césaire :

"Nul ne colonise innocemment. (…) Une nation qui colonise, une civilisation qui justifie la colonisation - donc la force - est déjà une civilisation malade, une civilisation moralement atteinte, qui, irrésistiblement, de conséquence en conséquence, de reniement en reniement, appelle son Hitler, je veux dire son châtiment."

le 11 novembre 2009