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Révolution d’Olivier Dubois à la Ménagerie de Verre

Publié le 11 novembre 2009 par Belette

La Ménagerie de Verre, c’est une façade sombre qui ne paye pas de mine dans une petite rue du XIème, annoncée par un panneau marron dissimulé derrière les branches fatiguées d’un platane de l’avenue Parmentier, et c’est le temple de la danse contemporaine. Vous savez, cet art bizarre qui n’intéresse personne. Pourquoi aller passer deux heures devant une ronde absconse quand on pourrait aller au cinéma voir la fin du monde en mangeant des pop-corns, je vous le demande?! Parce que, en plus de la situation, drôle en elle-même, à savoir se retrouver entre une cinquantaine de personnes présentes moitié pour le spectacle, moitié pour les mondanités, il est toujours intéressant de voir ce qu’est l’art de son temps, surtout dans une discipline mal connue.

inaccoutumés
La Ménagerie de Verre? Jamais mis les pieds. Olivier Dubois? Connais pas. Ok, j’y vais. Et je ne me renseigne surtout pas avant, mais après. Me voici donc en petit comité pour le premier soir du festival des Inaccoutumés, assise sur un maigre coussin pendant presque deux heures et quart. Du côté de la scène, 15 barres de fer (type métro) scandent l’espace. La lumière s’éteint, se rallume : 15 femmes se tiennent à gauche de chacune des barres, tandis qu’une musique martiale monte lentement dans l’air, le Boléro de Ravel. La longue marche commence. Comme les moutons de Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes, les danseuses tournent autour de leur barre, marchent inlassablement, posent un pied devant l’autre comme si elles ne devaient jamais s’arrêter. Et en effet, elles ne s’arrêtent pour ainsi dire pas. Après la marche, ce sont des figures, des changements de rythmes, des lignes qui se créent. Une fois ce sont les trois du fond qui restent immobiles le temps que les 12 autres accomplissent leur révolution, une autre fois ce sont les cinq de la diagonale du milieu qui accélèrent… Puis, dans une synchronisation redoutable, elles dessinent de nouvelles figures, lesquelles bientôt reviennent encore et encore dans une sorte de circularité fatale. La révolution est en marche.

Mais cette incarnation de l’éternel retour est douloureuse : peu à peu les danseuses suent, halètent, deux ou trois ratent un mouvement, une autre manque de tomber… Ce défilé militaire, martelé par une musique lancinante et comme bloquée sur elle-même (le même rythme scande toute la première heure), mêlé à de la pole dance m’a mise très mal à l’aise. L’effort et la concentration terriblement intenses de ces jeunes corps étaient si manifestes qu’ils en devenaient dérangeants – en tout cas pour moi et pour les deux femmes à qui j’ai pu parler à la fin de la représentation, les hommes n’ayant manifestement pas ressenti une once d’empathie pour elles… Les danseuses deviennent mécaniques, désincarnées ; elles entrent en fusion dans une chorégraphie martiale et difficile, à tel point que la moindre erreur paraît disproportionnée – et entraîne d’odieux ricanements dans l’assistance. Les visages sont d’une inexpressivité forcée, quasi-maladive, et les mouvements automatiques, presque figés. L’ensemble est assez oppressant, lorsqu’on se donne la peine d’entrer dans le spectacle – ce qui n’est pas de la tarte, je le concède bien volontiers.

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Crédit photo : Martin Argyroglo.

On peut reprocher au chorégraphe de ne pas avoir mis en question le rythme musical et gestuel, ou de progressievemnt faire surgir des mouvements classiques au sein d’une danse qui se voudrait révolutionnaire. Ou encore d’avoir placé les spectateurs dans une position frontale franchement conventionnelle, alors que les disposer tout autour de la scène aurait peut-être eu plus d’impact, ou aurait en tout cas refermé le cercle. Mais, quand on a la force de tenir deux heures et quart et de se laisser emporter par la ronde infernale des quinze danseuses, on n’en sort pas tout à fait pareil.


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