Après l’affaire des crucifix dans les écoles italiennes, le débat sur la liberté de religion fait actuellement l’objet de nombreuses décisions. La Cour EDH a ainsi rendu le 6 octobre (accessible le 20 octobre) une décision d’irrecevabilité dans une affaire contre l’Allemagne portant sur l’obligation de suivre des cours d’éthique dans les écoles berlinoises sans dispense.
En l’espèce, et malgré une décision de la Cour constitutionnelle allemande du 15 mars 2007 (n°2780/06) jugeant que cette obligation n’enfreignait ni le droit à la liberté religieuse des intéressés, ni le droit à l’instruction de leurs enfants d’après leurs convictions religieuses et philosophiques, les requérants ont saisi la Cour EDH en se fondant sur l’article 9 CEDH et sur l’article 2 du Protocole no1 (« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »)
Selon la Cour EDH, les requérants « soutiennent pour l’essentiel que le cours d’éthique n’est pas neutre et heurte leurs convictions religieuses du fait de son caractère laïque », puisqu’ils indiquent notamment que, alors que le christianisme est la religion de la majorité en Allemagne, « l’éthique philosophique enseignée dans ce cours contredirait l’éthique chrétienne dans beaucoup de domaines. Elle nierait essentiellement l’existence de Dieu, revêtirait un caractère laïque, athéiste et antireligieux et s’inspirerait notamment des idées des Lumières et de l’humanisme ».
Pour la Cour, qui s’est fortement inspirée de la décision de la Cour constitutionnelle allemande, « ni la teneur de la loi sur l’école ni celle du plan cadre des études ne permettent de conclure que ce cours tende à donner la priorité à une croyance précise ou à en écarter ou combattre d’autres, en particulier le christianisme. »
Le cours en question a pour objectif l’examen de questions d’éthique fondamentales, indépendamment des origines culturelles, ethniques, religieuses ou idéologiques des élèves, ce qui est conforme « aux principes de pluralisme et d’objectivité consacrés par l’article 2 du Protocole n.1 ».
En conséquence, elle déclare la requête irrecevable.
On notera, pour faire suite l’arrêt Luastsi c Italie (v. actualités droits-libertés du 3 novembre 2009 et CPDH du même jour) que la Cour constitutionnelle fédérale allemande avait indiqué dès le 16 mai 1995 que l’existence d’un crucifix accroché au mur dans les salles de classe était incompatible avec la Loi fondamentale allemande.
Appel-Irrgang et autres c/ Allemagne (Cour EDH, 6 octobre 2009, req. n°45216/07)
en word
Actualités droits-libertés du 11 novembre 2009 par Sylvia PREUSS-LAUSSINOTTE
HS: A signaler, à propos de l’affaire Perreux (dont CPDH a rendu compte en premier dans la blogosphère ) Jean Quatremer, journaliste de Libération met en ligne les impressionnantes conclusions de Mattias Guyomar (37 pages) sur cette affaire en PDF (”Le Conseil d’État enterre enfin Cohn-Bendit”, Coulisses de Bruxelles, 8 novembre 2009).